TURANGALîLA-SYMPHONIE

 

La Turangalîla-symphonie a été commandée par Serge Koussevitzky, chef de l’orchestre symphonique de Boston de 1924 à 1949, et composée par Olivier Messiaen de 1946 à 1948. Elle a été créée le 2 décembre 1949 au Symphony Hall de Boston par Yvonne Loriod (piano), Ginette Martenot (ondes Martenot), et l’Orchestre Symphonique de Boston sous la direction de Leonard Bernstein.

 

Présentation par l’auteur

La « Turangalîla-Symphonie » m'a été commandée par Serge Koussevitzky, pour le Boston Symphony Orchestra. Je l'ai écrite et orchestrée du 17 juillet 1946 au 29 novembre 1948.  La première audition mondiale a eu lieu le 2 décembre 1949, à Boston (USA), Symphony Hall, par le Boston Symphony Orchestra, sous la direction de Leonard Bernstein.  Le piano solo était tenu par Yvonne Loriod, et c'est presque toujours elle qui l'a joué depuis. Turangalîla : prononcer Tourânegheulî-lâ (avec accent et prolongation du son sur les deux dernières syllabes). Turangalîla est un mot sanskrit.  Comme tous les vocables appartenant aux langues orientales antiques, il est très riche de sens.  Lîla signifie littéralement le jeu : mais le jeu dans le sens de l'action divine sur le cosmos, le jeu de la création, de la destruction, de la reconstruction, le jeu de la vie et de la mort.  Lîla est aussi l'Amour. Turanga : c'est le temps qui court, comme le cheval au galop, c'est le temps qui s'écoule, comme le sable du sablier.  Turanga : c'est le mouvement et le rythme.  Turangalîla veut donc dire tout à la fois : chant d'amour, hymne à la joie, temps, mouvement, rythme, vie et mort.


 Turangalîla-Symphonie est un chant d'amour. Turangalîla-Symphonie est un hymne à la joie.  Non pas la joie bourgeoise et tranquillement euphorique de quelque honnête homme du XVIIème siècle, mais la joie telle que peut la concevoir celui qui ne l'a qu'entrevue au milieu du malheur, c'est-à-dire une joie surhumaine, débordante, aveuglante et démesurée.  L'amour y est présenté sous le même aspect : c'est l'amour fatal, irrésistible, qui transcende tout, qui supprime tout hors lui, tel qu'il est symbolisé par le philtre de Tristan et Yseult.


 « Turangalîla-Symphonie » est encadrée par « Harawi, chant d'amour et de mort », pour chant et piano (écrit en 1945), et «  Cinq Rechants », pour douze voix mixtes a cappella (écrits en 1949). Harawi, Turangalîla, Cinq Rechants sont trois aspects – de matière instrumentale, d'intensité, d'importance et de style différents – d'un seul et même Tristan et Yseult.  Dans les trois œuvres – comme Viviane, bien-aimée de Merlin l'Enchanteur, comme Yseult la belle, habile aux philtres, comme Ligeia d'Edgar Poe dominant la mort – l'héroïne est un peu magicienne : « Ses yeux voyagent… dans le passé… dans l'avenir… ».  Dans les trois œuvres – comme dans les tableaux de Marc Chagall – Les amoureux se dépassent eux-mêmes et s'envolent dans les nuages : « les amoureux s'envolent… Brangien, dans l'espace tu souffles ».

Dans les trois œuvres enfin il s'agit d'un amour mortel – jeu de vie et de mort – et comme le résume cette dernière citation des « Cinq Rechants » : l'explorateur Orphée trouve son cœur dans la mort.

Outre de nombreux thèmes afférents à chacun de ses dix mouvements, « Turangalîla-symphonie » comporte quatre thèmes cycliques, que l'on retrouve un peu partout au cours de l'ouvrage.  Les nomenclatures thématiques classées par symboles littéraires sont bien fragiles et souvent un peu ridicules (c'est ainsi que les wagnériens ont affublé lesleitmotiv de Richard Wagner d'idées toutes faites qui restreignent sa pensée) : on me permettra d'en user cependant pour mes quatre thèmes cycliques, restant entendu qu'il s'agit d'un simple moyen mnémotechnique, destiné à rendre leur reconnaissance plus aisée ».

 

La symphonie est construite autour de quatre thèmes :

Le premier est le « thème statue », il évoque pour le compositeur « quelque statue terrible et fatale » ; il est reconnaissable par ses accords massifs.

Le second thème, est intitulé « thème fleur » en raison de la forme délicate et arrondie de ses lignes, un peu à la manière de certaines fleurs comme « la tendre orchidée, au décoratif fuchsia, au glaïeul rouge, au volubilis trop souple ».

Le « thème d’amour » est une association des deux premiers thèmes alors que le « thème d’accords » ne renvoie à aucune signification particulière ; il est un groupe d’accords découpés en sept parties souvent combinés à d’autres motifs.

 

La symphonie est écrite en dix mouvements :

1)      Introduction (modéré, un peu vif)
2)      Chant d'amour I (modéré, lourd)
3)      Turangalîla I (presque lent, rêveur)
4)      Chant d'amour II (bien modéré)
5)      Joie du sang des étoiles (vif, passionné, avec joie)
6)      Jardin du sommeil d'amour (très modéré, très tendre)
7)      Turangalîla II (un peu vif - bien modéré)
8)      Développement de l'amour (bien modéré)
9)      Turangalîla III (bien modéré)
10)    Final (modéré, presque vif, avec une grande joie)

Ces dix mouvements sont divisés en trois grands groupes.

Le premier est constitué des mouvements n°2, n°4, n°6 et n°8, il a pour thème l’amour et emploie souvent le « thème amour ».

Le deuxième groupe, plus sombre et plus noir dans ses teintes, est constitué des trois mouvements intitulés Turangalîla (les mouvements n°3, n°7 et n°9).

Enfin les mouvements n°5 et n°10 ressemblent à des scherzos et ils concluent avec éclat les deux moitiés de la symphonie. Le premier mouvement « introduction » est le seul de son espèce.

 

Sur Youtube :
Turangalîla-Symphonie (1949), pour orchestre et deux solistes (piano et ondes Martenot).




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