La Grèce antique
La gamme de Pythagore
Pythagore est connu pour son fameux théorème, mais il s’est aussi beaucoup intéressé à la musique, et comme il aimait beaucoup les chiffres, il a étudié les rapports numériques des longueurs de corde vibrante, qu’il a associés aux notes de la gamme.
Le son d’une corde vibrante, pour une tension donnée, est liée à sa longueur, dont dépend sa fréquence de vibration
Lorsqu’on fait varier la longueur, donc la fréquence de la corde, dans un rapport 2, on obtient des sons séparés d’un octave
Exemple (voir figure ci-dessous) :
DO 1 devient DO 2 lorsqu’on diminue la longueur de la corde par 2, donc lorsqu’on multiplie sa fréquence de vibration par 2.
Si on multiplie encore la fréquence par 2 , on obtient DO 3, et ainsi de suite.
Lorsqu’on fait varier la longueur de la corde dans un rapport de 1,5 (soit 3/2) on obtient la quinte :
En divisant ensuite les fréquences des notes de la gamme n°2 par 2 et celles de la gamme n°3 par 4, on obtient toutes les notes de la gamme diatonique n° 1 :
Si on continue de multiplier par 3/2 les fréquences à partir de la note si, on obtient successivement : fa#, do #, sol#, ré# …
Et si l’on continue de diviser par 3/2 les fréquences de note à partir de FA, on obtient successivement sib, mib, lab …
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Le Moyen-Age
Vers 1030, le moine Guido d’Arezzo invente la solmisation, système de notation musicale – doublé d’une méthode
pédagogique – dans lequel les notes sont chantées sur des syllabes.
Alors que jusque là on utilisait les premières lettres de l’alphabet pour désigner
les notes, on lui attribue, semble-t-il à tort,le procédé mnémotechnique par lequel on les
nomme, maintenant dans les pays latins, à partir des syllabes initiales d’un
hymne à Saint Jean-Baptiste :
UT queant laxis
REsonare fibris
MIra gestorum
FAmuli tuorum
SOLve polluti
LAbii reatum
Sancte Ioannes.
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L’UT est devenu plus tard DO.
La notation anglo-saxonne
Les pays anglo-saxons ont conservé la notation des notes de la gamme par des lettres. Cette notation a pour origine celle pratiquée en Grèce au siècle de Pythagore (6e siècle avant JC), où l’on utilisait les 15 premières lettres de l’alphabet pour désigner les notes sur 2 octaves. Cette méthode a été reprise au 9e siècle de notre ère, en n’utilisant alors que les 7 premières lettres de l’alphabet, de A à G.
La correspondance, de nos jours, s’établit comme suit :
Dans les pays de langue allemande, le si est désigné par la lettre H, B désignant le si bémol.
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La Renaissance (16e siècle)
La gamme de Zarlino (1517, 1590) ou gamme des physiciens
On se souvient que Pythagore avait défini sa gamme en se basant sur la
division d’une corde vibrante et en utilisant les rapports 2 pour l’octave et 3/2 pour la quinte, ce qui donnait la séquence suivante :
D’autres grecs, tels Aristoxène, avaient préféré une division harmonique de la corde
vibrante, dans les rapports 1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6 etc … qui correspond en
fait aux fréquences (f, 2f, 3f, 4f ..) des harmoniques naturelles que l’on
connaît aujourd’hui, et dont les 5 premières définissent l’accord majeur
do-mi-sol, avec un rapport 5/4 pour la tierce majeure do-mi (=1/4 :
1/5) et un rapport 6/5 pour la tierce mineure mi-sol (=1/5 : 1/6).
On y retrouve également le rapport 3/2 (=1/4 : 1/6) pour
la quinte do-sol.
Zarlino a utilisé les rapports
5/4 et 3/2 de la division harmonique pour reconstruire la gamme diatonique en
utilisant les accords majeurs do-mi-sol, sol-si-ré et fa-la-do.
En utilisant ensuite le rapport 2 de l’octave,
on obtient la gamme suivante :
On obtient
ainsi une gamme plus proche des sons harmoniques naturels, mais cela amène
quelques inconvénients :
Dans la
gamme de Pythagore, nous avions 2 valeurs d’intervalle : 9/8 pour le ton
et 16/15 pour le demi-ton.
On a
maintenant une valeur de plus car 2 valeurs différentes pour le ton : 9/8
pour les intervalles de ton do-ré,
fa-sol et la-si, et 10/9 pour les intervalles de ton ré-mi et
sol-la. La différence entre ces 2 valeurs est appelée comma, et vaut à
peu près 1/9 de ton. Elle entraîne en particulier des valeurs d’intervalles
différents selon la tonalité dans laquelle on se trouve. Par exemple
l’intervalle de quinte ré-la en tonalité de ré comporte un comma de moins que
l’intervalle de quinte do-sol en tonalité de do.
Pour assurer la plus grande justesse possible
lors de transpositions, on a défini des altérations différentes selon qu’elles
montent (#) ou qu’elles descendent (b).
On a été
ainsi amené au 16e siècle à réaliser des clavecins à 2 claviers
dans lesquels les notes baissées (exemple ré b) étaient différentes des notes
haussées (exemple do #) de la valeur d’un comma.
Ce problème sera éludé au 17e siècle avec la gamme tempérée.
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La période baroque
La gamme tempérée
Nous avons vu la gamme évoluer au cours des précédentes
périodes :
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la gamme de Pythagore était basée sur la division d’un corde vibrante et les rapports de fréquence 2 pour l’octave et
3/2 pour la quinte. Cette gamme présentait 2 valeurs d’intervalles, une pour le
ton (9/8) et une pour le demi-ton (16/15).
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la gamme de
Zarlino ajoutait le rapport 5/4 pour la tierce majeure. Cette gamme, plus proche de l’harmonie naturelle,
avait pour inconvénient d’ajouter une troisième valeur d’intervalle de sorte
qu’un ton pouvait avoir la valeur 9/8 ou 10/9 selon sa position dans la gamme.
Il avait donc fallu, pour assurer des transcriptions justes, définir des
altérations différentes selon qu’elles montent (dièses) ou qu’elles descendent
(bémols).
On appelle tempérament
une division de l’octave en 12 intervalles. Le tempérament peut être égal si
les 12 intervalles sont égaux, ou inégal dans le cas contraire, ce qui est le
cas des gammes de Pythagore et de Zarlino.
Pendant la période
baroque, de nombreux tempéraments sont utilisés, tous basés sur le compromis
résultant de l’observation suivante :
Ces valeurs sont
proches : leur écart est égal à 1/9 de ton, appelé comma. En les
confondant, afin que si# = do, on pose l’équation 7 octaves = 12 quintes = 128.
Mais il faut alors
répartir ce comma sur l’étendue de la gamme, afin que celle-ci reste la plus
juste possible. C’est ce qu’ont fait des théoriciens en définissant différents
tempéraments inégaux consistant à modifier certains intervalles dans la gamme,
généralement de ¼ ou 1/6 de comma.
En répartissant uniformément ce comma sur les 12 intervalles de la gamme, Andreas Werckmeister
a défini la gamme à tempérament égal, encore appelée gamme tempérée, dans laquelle tous les intervalles
de demi-ton, modifiés d’1/12e de comma, sont égaux.
Le graphique 1
montre la suite des 12 quintes naturelles, allant du DO1 au DO7. L’écart
indiqué en rouge à l’arrivée entre le do et le si# correspond à un comma =
1/9 de ton. La dernière quinte fa (=mi#)-do indiquée en jaune se trouve donc
plus petite que les autres quintes, d’un comma.
Le graphique 2
montre un des nombreux tempéraments en usage à l’époque baroque. Pour
ramener le si# au niveau du do, on a désaccordé 4 intervalles de quintes
d’une valeur de ¼ de comma.
Le graphique 3
montre les conclusions d’une étude récente (2005) de Bradley Lehman,
concernant le tempérament utilisé par Bach. En effet, « clavier bien
tempéré » n’implique pas obligatoirement qu’il soit accordé selon un
tempérament égal, mais qu’il soit accordé selon le « bon »
tempérament. (qui serait donc, selon Bach, celui-ci, assez proche du
tempérament égal)
Le graphique 4
illustre l’accord du tempérament égal défini par Andreas Werckmeister
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La gamme tempérée est quelque peu contestée par les puristes, car elle est artificielle, et toutes
ses notes sont fausses par rapport aux harmoniques naturelles, mais c’est
néanmoins la gamme pratiquée dans la musique occidentale à partir du 18e
siècle.
L’avantage de la gamme tempérée est de permettre toutes les transpositions et d’écrire dans toutes les
tonalités sur un instrument à clavier utilisant 12 touches par octave. Ceci est
particulièrement bien illustré par une œuvre majeure de JS Bach : « Le clavier bien
tempéré », comportant deux recueils de 24 préludes et fugues, dans les 12
tonalités et les 2 modes majeur et mineur.
L’inconvénient d’un
tempérament égal est que l’on perd les variations de « couleurs »
qui existaient entre les tonalités. En effet, avec un tempérament inégal, les
intervalles entre les degrés de chaque gamme de tonalité différente sont
différents, ce qui entraine des tonalités de « couleurs »
différentes.
Exemple avec la gamme
de Zarlino : l’intervalle entre degrés I et II est différent selon la
tonalité.
En fait, l’essentiel de la
musique baroque utilise des tempéraments inégaux, la gamme tempérée apparue à
la fin du 17e siècle ne se généralisant que plus tard. C’est
pourquoi les tempéraments inégaux sont particulièrement adaptés à l'exécution
du répertoire baroque, et les ensembles spécialisés les pratiquent couramment.
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