La messe fut d’abord chantée en plain-chant, ou chant grégorien (encore pratiqué de nos jours), avant de devenir polyphonique.
La plus ancienne messe polyphonique complète qui nous soit parvenue est extraite d'un recueil anonyme, connu sous le nom de Messe de Tournai. C’est une œuvre hétérogène, , qui rassemble des pièces, probablement de plusieurs compositeurs, datant de 1330 à 1340 environ.
C’est Guillaume de Machaut qui compose la première messe
à plusieurs voix, comprenant les chants de l’ordinaire que l’on retrouvera
dans toutes les messes des compositeurs des siècles suivants, à savoir :
Et in terra pax
hominibus bone voluntatis
laudamus te
benedicimus te
adoramus te
glorificamus te
gratias agimus tibi
propter magnam gloriam tuam
domine deus rex celestis
deus pater omnipotens
domine fili unigenite
ihesu christe
domine deus agnus dei
filius patris
qui tollis peccata mundi
miserere nobis
qui tollis peccata mundi
suscipe deprecationem nostram
qui sedes ad dexteram patris
miserere nobis
quoniam tu solus sanctus
tu solus dominus
tu solus altissimus
ihesu christe
cum sancto spiritu
in gloria dei patris
Amen
Gloire soit rendue à dieu
dans les hauteurs
Et sur terre paix soit donnée
aux hommes de bonne volonté
nous te louons
par des paroles de bien
nous t'adorons
et te rendrons les honneurs
ns sommes pleins de reconnaissance envers toi
pour ta grande gloire
seigneur dieu roi du ciel
dieu père tout-puissant
seigneur fils unique
Jésus-Christ
seigneur dieu agneau de dieu
fils du père
toi qui enlèves les péchés du monde
prends-nous en pitié
toi qui enlèves les péchés du monde
reçois notre supplication
toi qui sièges à la droite du père
prends-nous en pitié
car toi seul est saint
toi seul souverain
toi seul très-haut
Jésus-Christ
uni avec l'esprit saint
dans la gloire de dieu le père
Amen
CREDO
Credo in unum deum
Patrem
omnipotentem
factorem
celi et terre
visibilium omnium
et invisibilium
et in unum
dominum ihesum christum
filium dei unigenitum
et ex patre natum
ante omnia
secula
deum de deo lumen de lumine
deum verum de deo vero
genitum non factum
consubstantialem patri
per quem omnia facta sunt
Qui propter nos homines
et propter nostram salutem
descendit de celis
et incarnatus est de spiritu sancto
ex maria virgine
et homo factus est
crucifixus etiam pro nobis
sub pontio pylato
passus et sepultus est
et resurrexit
tertia die
secundum scripturas
et ascendit in celum
sedet ad dexteram patris
et iterum venturus est cum gloria
iudicare vivos et mortuos
cuius regni non erit finis
Et in spiritum sanctum dominum
et vivificantem
qui ex patre filioque procedit
qui cum patre et filio
simul adoratur et conglorificatur
qui locutus est per prophetas
et unam sanctam catholicam
et apostolicam ecclesiam
confiteor
unum baptisma
in remissionem peccatorum
et expecto ressurrectionem
mortuorum
et vitam venturi
seculi
Amen
Je crois en un seul dieu
Père
tout-puissant
qui a fait
le ciel et la terre
le monde visible
et l'invisible
et en un seul
seigneur Jésus-Christ
fils unique de dieu
né du père
avant le commencement
des siècles
dieu issu de dieu lumière issue de la lumière
vrai dieu issu du vrai dieu
engendré et non créé
de même nature que le père
par qui tout a été fait
Pour nous les hommes
et pour notre salut
il est descendu des cieux
et par l'esprit saint il s'incarna
en la vierge Marie
et il s'est fait homme
c'est aussi pour nous qu'il fut crucifié
sous Ponce Pilate
souffrit et fut enseveli
et ressuscita
au troisième jour
selon les écritures
et il monta au ciel
il siège à la droite du père
il doit revenir glorieusement
pour juger les vivants et les morts
et son règne n'aura pas de fin
Je crois en l'esprit saint seigneur
il donne la vie
il vient du père et du fils
et avec le père et le fils
il est adoré et glorifié
il a parlé par les prophètes
je crois en une église une sainte catholique
et apostolique
je reconnais
un seul baptême
pour le pardon des péchés
j'attends la résurrection
des morts
et la vie du monde
à venir
Amen
SANCTUS
Sanctus, sanctus,
sanctus, domine deus sabaoth
Pleni sunt celi et terra gloria tua
Osanna in excelsis
Benedictus qui venit in nomine domini
Osanna in excelsis
Saint, saint, saint est le
seigneur, dieu des puissances célestes
Les cieux et la terre sont pleins de ta gloire
Hosanna au plus haut des cieux
Béni soit celui qui vient au nom du seigneur
Hosanna au plus haut des cieux.
AGNUS DEI
Agnus dei qui tollis
peccata mundi
miserere nobis
Agnus dei qui tollis peccata mundi
miserere nobis
Agneau de dieu qui enlèves
les péchés du monde
prends pitié de nous
Agneau de dieu qui enlèves les péchés du monde
prends pitié de nous
ITE MISSA EST
Ite, missa est
-Deo gratias
Allez, c'est l'envoi!
-Rendons grâces à dieu!
La messe de Notre Dame
De Guillaume de Machaut
La messe de Notre Dame a été écrite en 1364,
semble-t-il à l’occasion du sacre de Charles V.
C’est la première
réalisation connue de l'ordinaire de la messe par un même compositeur.
D’autres séquences chantées dans le style grégorien
complètent la messe.
La messe de Notre Dame utilise
toutes les techniques que Guillaume de Machaut a développées par ailleurs dans
ses travaux profanes. Dans l'esprit médiéval, sa forme s’attache plus au
symbolisme qu’au texte de la messe. Par exemple, le credo (qui expose la
nature trinitaire de Dieu) est musicalement divisé en trois parties, chacune
d’elle également divisée en trois sous-parties.
Les mouvements les plus courts
(Kyrie, Sanctus, Agnus Dei et Ite Missa est)
utilisent les principes du motet isorythmique. Les deux parties inférieures (tenor
et contretenor) ont chacune leur propre modèle rythmique qui est répété
dans une section donnée. Les deux parties supérieures (triplum et motettus)
exécutent des lignes mélodiques indépendantes, caractérisées par l’utilisation
de hoquets, interruptions par des silences dans les différentes voix,
qui donnent à la mélodie un aspect heurté
Les mouvements plus longs (Gloria et credo)
n’emploient pas l'isorythmie mais utilisent une déclamation simultanée du texte
dans toutes les voix.
Dans la suite de Guillaume de Machautavec
sa messe de Notre Dame, les
compositeurs de l’école franco-flamande développent ce nouveau genre musical,
dans lequel sont mises en musique les cinq parties de l’ordinaire
de la messe : kyrie, gloria, credo,
sanctus et agnus Dei.
On appelle messes cycliques
les messes qui réunissent cinq ou six pièces de l'ordinaire dans un même
manuscrit.
Ces messes sont dites unitaires
lorsque leurs différentes sections s’appuient sur un même cantus firmus
chanté par le ténor et qui lui donne son nom, par exemple : messe
« Rex seculorum » de J. Dunstable, ou messe « Ave Regina
Coelorum » de G. Dufay.
Le terme de cantus firmus
(« chant ferme ») désigne la mélodie qui sert de base à la
polyphonie.
Guillaume Dufay (1400-1474)
Guillaume Dufay va affirmer
cette tendance, tout particulièrement dans sa messe « de l’homme
armé ».
Messe
de l’homme armé :
Le cantus firmus de cette
messe est fondé sur la mélodie profane d’une chanson très populaire au XVe siècle,
dont le texte est le suivant :
L'homme armé doit-on douter
On a fait partout crier
Que chacun se viegne armé
D'un haubregon de fer.
La mélodie de 'L'homme armé'
On peut en traduire le texte
de cette façon : "Craignez l'homme armé. On a fait dire à chacun de
revêtir un haubergeon de fer", ce qui est semble-t-il un appel à s’armer
contre l’ennemi qui approche.
Cette mélodie a été utilisée
par de nombreux compositeurs de messes dites « de l’homme armé »
jusqu’au 17ème siècle, tels que Guillaume Dufay, Jean Ockeghem,
Josquin des prés, Jacob Obrecht , Palestrina, ainsi que Antoine Busnois
(v.1430-1492), Pierre de La Rue (1450, 1518), Cristobal de Morales (1500,1553),
Giacomo Carissimi (1605,1674)
D’autres variantes de messes
apparaissent à cette époque :
-
La messe «parodie » utilise le cantus firmus et d‘autres éléments
mélodiques et contrapuntiques de compositions déjà existantes.
-
La messe « paraphrase » voit le cantus firmus défiler
librement dans toutes les voix. (au lieu de se limiter au ténor).
Messe de l’homme armé de Guillaume Dufay (Kyrie)
Palestrina
Au XVIème siècle, la messe polyphonique
a cappella atteignit la perfection avec Palestrina.
Le pape Marcel, qui ne régna
que 21 jours, eut néanmoins le temps de réformer la musique d’église en
recommandant aux compositeurs d’éviter l’utilisation de chansons profanes et
les ornementations exagérées.
C’est ainsi qu’après avoir subi
l’influence des maîtres franco-flamands, Palestrina les dépassa dans un style
plus clair et plus ordonné, en supprimant le cantus firmus et en mettant en pratique les directives du pape, en
particulier dans la messe dite « du pape Marcel »
00:01 - Kyrie
04:02 - Gloria
09:39 - Credo
18:33 - Sanctus
24:56 - Agnus Dei
La messe à l’époque baroque
J.S. Bach (1685-1750)
A l’époque baroque, la messe voit
l’introduction d’airs, de duos et de récitatifs dans les chœurs. Le chef
d’œuvre de ce genre est représenté par la messe en si mineur de J.S. Bach.
La messe à l’époque classique
La période classique voit se développer les aspects symphonique et
choral, en particulier avec Haydn, suivi par Mozart, Beethoven et Cherubini.
Les plus belles messes de cette période sont :
-De Mozart : La messe du couronnement K317 et le requiem
-De Beethoven, la Missa Solemnis op123
-De Cherubini, la 2ème messe solennelle en ré mineur.
Les compositeurs romantiques ont également composé des messes dont les plus célèbres sont
- De Schubert : La Messe n° 5 en la bémol majeur, "Solennelle" D.678, la Messe n° 6 en mi bémol, D.950 (1828) et la Messe n° 7 en fa majeur, "Deutsche Messe" D872
- De Liszt, la Messe du couronnement composée pour François-Joseph Ier et son épouse
Le requiem, ou messe des défunts, se distingue de la
messe par l’absence du Gloria et du Credo, et la présence d’une séquence
appelée « Dies Irae », longue séquence du XIIIème siècle attribuée à
Thomas de Celano.
En voici le thème musical, qui a été repris par de
nombreux compositeurs dans des œuvres aussi bien profanes que religieuses (La
symphonie fantastique de Berlioz, danse macabre de Liszt, danse macabre de
Saint-Saëns, prélude de Rachmaninov …)
Et le texte littéral :
Texte en latin
Traduction
Dies iræ, dies illa,
Solvet sæclum in favílla,
Teste David cum Sibýlla !
Quantus tremor est futúrus,
quando judex est ventúrus,
cuncta stricte discussúrus !
Tuba mirum spargens sonum
per sepúlcra regiónum,
coget omnes ante thronum.
Mors stupébit et Natúra,
cum resúrget creatúra,
judicánti responsúra.
Liber scriptus proferétur,
in quo totum continétur,
unde Mundus judicétur.
Judex ergo cum sedébit,
quidquid latet apparébit,
nil inúltum remanébit.
Quid sum miser tunc dictúrus ?
Quem patrónum rogatúrus,
cum vix justus sit secúrus ?
Rex treméndæ majestátis,
qui salvándos salvas gratis,
salva me, fons pietátis.
Recordáre, Jesu pie,
quod sum causa tuæ viæ ;
ne me perdas illa die.
Quærens me, sedísti lassus,
redemísti crucem passus,
tantus labor non sit cassus.
Juste Judex ultiónis,
donum fac remissiónis
ante diem ratiónis.
Ingemísco, tamquam reus,
culpa rubet vultus meus,
supplicánti parce Deus.
Qui Maríam absolvísti,
et latrónem exaudísti,
mihi quoque spem dedísti.
Preces meæ non sunt dignæ,
sed tu bonus fac benígne,
ne perénni cremer igne.
Inter oves locum præsta,
et ab hædis me sequéstra,
státuens in parte dextra.
Confutátis maledíctis,
flammis ácribus addíctis,
voca me cum benedíctis.
Oro supplex et acclínis,
cor contrítum quasi cinis,
gere curam mei finis.
Lacrimósa dies illa,
qua resúrget ex favílla
judicándus homo reus.
Huic ergo parce, Deus.
Pie Jesu Dómine,
dona eis réquiem. Amen.
Jour de colère, que ce jour là
Où le monde sera réduit en cendres,
Selon les oracles de David et de la Sibylle.
Quelle terreur nous saisira,
lorsque la créature ressuscitera
(pour être) examinée rigoureusement
L’étrange son de la trompette,
se répandant sur les tombeaux,
nous jettera au pied du trône.
La Mort, surprise, et la Nature,
verront se lever tous les hommes,
pour comparaître face au Juge.
Le livre alors sera produit,
où tous nos actes seront inscrits ;
tout d’après lui sera jugé.
Lorsque le Juge siégera,
tous les secrets apparaîtront,
et rien ne restera impuni.
Dans ma détresse, que pourrais-je alors dire ?
Quel protecteur vais-je implorer ?
alors que le juste est à peine en sûreté…
Ô Roi d’une majesté redoutable,
toi qui sauves les élus par grâce,
sauve-moi, source d’amour.
Rappelle-toi, Jésus très bon,
que c’est pour moi que tu es venu,
ne me perds pas en ce jour-là.
À me chercher tu as peiné,
Par ta Passion tu m’as sauvé,
qu’un tel labeur ne soit pas vain !
Tu serais juste en condamnant,
mais accorde-moi ton pardon
avant que j’aie à rendre compte.
Vois, je gémis comme un coupable
et le péché rougit mon front ;
mon Dieu, pardonne à qui t’implore.
Tu as absout Marie-Madeleine
et exaucé le larron ;
tu m’as aussi donné espoir.
Mes prières ne sont pas dignes,
mais toi, si bon, fais par pitié,
que j’évite le feu sans fin.
Parmi tes brebis place-moi,
à l’écart des boucs garde-moi,
en me mettant à ta main droite.
Quand les maudits, couverts de honte,
seront voués au feu rongeur,
prends-moi donc avec les bénis.
En m’inclinant je te supplie,
le cœur broyé comme la cendre :
prends soin de mes derniers moments.
Jour de larmes que ce jour là,
où surgira de la poussière
le pécheur, pour être jugé !
Daigne, mon Dieu, lui pardonner.
Bon Jésus, notre Seigneur,
accorde-leur le repos. Amen.
Les premiers requiem polyphoniques ont été composés au
XVIème siècle par Palestrina et Roland de Lassus, mais l’intérêt pour le
requiem apparait principalement avec Mozart. C’est alors que la séquence du
Dies Irae, qui ne reprend plus le thème médiéval original, a pris de
plus en plus d’importance en raison de son côté dramatique.
Le genre Requiem aura beaucoup de succès pendant tout le
19ème siècle avec les Requiem de Berlioz, Verdi, Brahms (dont
le requiem allemand sort de la liturgie catholique, étant basé sur des textes
bibliques), Dvorak, Fauré ...