Sommaire de ce chapitre
La théorie de la musique
Les
grecs ont été les premiers théoriciens de la musique. C’est Pythagore
(572 av. J.C.) et ses disciples (dont Philolaos de Crotone, Damon d’Athènes et
Hippase de Métaponte) qui découvrirent le rapport entre les sons et les
nombres et créèrent les premières théories d’un système musical de 7 notes.
(En
fait, les égyptiens utilisaient déjà une gamme de 7 notes qu’ils avaient
associées aux 7 planètes).
Les
grecs utilisaient un système de notation instrumentale utilisant 15 signes
spéciaux et un système de notation vocale utilisant les 24 lettres de
l’alphabet ionien. Il y avait aussi des signes de durée placés au-dessus des
syllabes. Ces notations étaient néanmoins peu utilisées, car la musique se
transmettait surtout de manière orale , de sorte que très peu de
« partitions » sont arrivées jusqu’à nous.
Les
grecs ont également défini et codifié des rythmes qui ont été utilisés dans
toute l’histoire de la musique, jusqu’à nos jours.
La gamme de Pythagore
Pythagore est connu pour son fameux théorème,
mais il s’est aussi beaucoup intéressé à la musique, et comme il aimait
beaucoup les chiffres, il a étudié les rapports numériques des longueurs de
corde vibrante, qu’il a associés aux notes de la gamme.
Le son d’une corde vibrante, pour une
tension donnée, est liée à sa longueur, dont dépend sa fréquence de vibration.
Lorsqu’on fait
varier la longueur, donc la fréquence de la corde, dans un rapport 2, on
obtient des sons séparés d’un octave.
Exemple (voir
figure ci-dessous) : DO1 devient DO2 lorsqu’on diminue la longueur de
la corde par 2, donc lorsqu’on multiplie sa fréquence de vibration par 2.
Si on multiplie
encore la fréquence par 2 , on obtient DO3, et ainsi de suite.
Lorsqu’on fait varier la longueur de la
corde dans un rapport de 1,5 (soit 3/2) on obtient la quinte :
On obtient ainsi la suite de quintes Fa, Do, sol, ré,
la, mi, si.
En divisant ensuite les fréquences des notes de la
gamme n°2 par 2 et celles de la gamme n°3 par 4, etc …, on obtient toutes les
notes de la gamme diatonique n° 1 :
Si
on continue de multiplier par 3/2 les fréquences à partir de la note si, on
obtient successivement : fa#, do#, sol#, ré# …
Et si l’on continue de
diviser par 3/2 les fréquences de note à partir de FA, on obtient successivement
sib, mib, lab …
Le système musical grec
Pour connaitre le système musical grec
nous disposons
- de quelques partitions de
musique notée
- d’une description de sa
théorie et de sa notation,
- de la table d’Alypius d’Alexandrie, écrivain grec auteur vers 360 d'un traité sur la musique, qui
permet une conversion de l’antique solfège grec vers le nôtre.
Les grecs ne connaissaient pas
l’harmonie ni la polyphonie. Leur musique était purement mélodique.
Le tétracorde
La base du système musical grec est le tétracorde
formé par la succession de 4 sons conjoints dont les 2 extrêmes (notes fixes)
sont à un intervalle de quarte (2 ½ tons).
Les notes intermédiaires occupent des
positions variées selon le genre du tétracorde :
- Genre diatonique (½ ton, ton , ton)
- Genre chromatique (½ ton , ½ ton , 1 ½ ton)
- Genre enharmonique (¼ ton, ¼ ton, 2 tons)
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Le genre enharmonique, très différent
de notre usage moderne, introduit dans la gamme le quart de ton.
Deux tétracordes sont disjoints s’ils
sont séparés d’un ton : ils constituent l’octave.
Deux tétracordes sont conjoints si la
quatrième note du premier coïncide avec la première du second.
La lyre à 7 cordes était accordée selon
2 tétracordes conjoints. Un nom était attribué à chaque note en fonction de la
corde correspondante.
Ces
notes avaient pour noms, de la plus grave à la plus aigüe :
Hypàtê,
la corde la plus grave de la lyre
Parhypàtê
Lichanos
Mésê,
4e corde du premier tétracorde et 1re corde du 2e
tétracorde
Paramésê
Paranêtê
Nêtê,
La 7e et plus haute corde de la lyre
Les noms des notes ne correspondaient
pas à la hauteur précise des sons mais aux positions des cordes dans l’accord
de la lyre, la hauteur dépendant du genre dans lequel était accordée la lyre.
Les systèmes
On définissait les systèmes de notes suivants :
- Système parfait
mineur : 3 tétracordes conjoints + 1 note à la partie grave = 11
notes
- Système parfait
majeur : 4 tétracordes conjoints 2 à 2 avec un ton de disjonction au
centre+ 1 note à la partie grave = 15 notes ou 2 octaves.
- Système parfait
invariable : association des 2 systèmes majeur et mineur = 16 notes.
Les modes musicaux
En fonction de la position des tons et
demi-tons, on définit 7 modes, qui sont, en se basant sur le système parfait
majeur mi-mi :
A
chacun de ces modes, on attachait une signification expressive
différente (ethos) : par exemple,
le mode dorien donnait force et courage,
le mode phrygien exprimait l'ivresse et la passion,
le mode hypodorien portait à la joie,
le mode myxolydien passait pour être pathétique.
Le rythme
Aristoxène était un philosophe grec du 4e
siècle av. J.-C., également théoricien de la musique. Il a voulu fonder une
science musicale indépendante des mathématiques (dont il fait pourtant
largement usage), en prenant pour base deux critères, la sensation et la pensée
rationnelle. Il s’intéressa à la rythmique, qui avait, chez les Grecs, une
importance capitale.
D’abord déterminé par les syllabes
brèves et longues du texte poétique mis en musique, le rythme se libère de
cette contrainte, et impose à son tour au texte la durée des syllabes.
Aristoxène définit différents
rythmes élémentaires, à partir de 2 durées de base qui sont la brève (U), et la longue (—) qui
vaut deux brèves, dont voici quelques exemples :
- l'iambe (U—)
- le trochée (—U)
- le tribachys (UUU)
- le dactyle (—UU)
- l'anapeste (UU—)
- le spondée (— —), etc.
En réunissant plusieurs de
ces rythmes élémentaires ensemble, on forme des mètres. L'union de plusieurs
mètres donne lieu à un membre de phrase ou kôlon, la phrase étant généralement
faite de deux kôla. Les phrases se regroupent en périodes et les périodes en
strophes qui se présentent d'ordinaire suivies de l’antistrophe (reprise), et
de l’épode (coda).
La notation musicale
D'après les tables d'Alypius, les Grecs
de l'Antiquité disposaient de deux systèmes de notation, l'un pour la musique
instrumentale utilisant 15 signes spéciaux et l'autre pour la musique vocale
utilisant les 24 lettres de l’alphabet ionien.
La plus
ancienne notation musicale occidentale connue date de la Grèce du 3e siècle
av. J.-C. Elle consiste à indiquer les notes par des lettres placées
au-dessus des mots du chant, comme on peut le voir sur l'exemple ci-contre.
Pour plus d'informations sur la notation grecque, voir l'excellent article de
Claire Tuan sur son site : lespierresquiparlent
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Second hymne Delphique à Apollon, gravé à Delphes (128 av.J-C.)
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Stèle de Seikilos et son texte gravé (1er siècle ap.J-C.) Musée National du Danemark, à Copenhague
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Les instruments de musique
On trouve, comme dans les autres
civilisations antiques, l’usage de la voix ainsi que les 3 familles
d’instruments :
- les instruments à cordes
- les instruments à vent
- les instruments à percussion
L’archéologie a permis de constater,
notamment dans les fouilles crétoises, la présence entre 4 000 et
2 000 avant J.-C. d’instruments de musique tels que l’aulos double ou la
harpe triangulaire, cette dernière détrônée ultérieurement par la lyre et la
cithare.
Les instruments à cordes
Le premier instrument à corde des grecs est la LYRE.
La lyre est un instrument qui comportait 3, 5 ou 7 cordes et dont la caisse de
résonance était constituée d’une carapace de tortue et d'une peau de bœuf
tendue. Les cordes étaient en tendons.
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Dionysos jouant du Barbitos
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Femme couronnée jouant de la cithare
IIIème siècle avant J.-C.
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Le BARBITOS est une forme particulière de lyre, qui était jouée par
Alcée, Sappho et leurs disciples. Il était aussi associé au culte de
Dionysos.
La lyre s’est ensuite transformée en CITHARE
(jouée par les citharèdes), qui a vu le nombre de cordes monter jusqu’à 15 et
même 18.
La caisse de résonance est une caisse en bois prolongée par des bras coudés souvent en ivoire. Le reste est comparable à la
lyre.
De nombreux autres instruments ont été réalisés par
les grecs à partir des lyres et des cithares.
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La HARPE est un instrument très ancien hérité des égyptiens. Les
Grecs en ont pratiqué plusieurs variétés, qu’ils désignaient souvent de façon
générique par le mot psalterion.
Le SAMVIKE, est une sorte de harpe antique de forme triangulaire, avec 4 cordes inégales.
Le TRIGONON, qui signifie triangle, est une harpe très ancienne que l’on trouvait en 2800 avant J.-C.
(Ici, Terpsichore, muse de la danse, jouant du trigonon).
Le PANDORE est un instrument à 3 cordes, qui rappelle le luth : il se joue avec un plectre et la hauteur de la note est obtenue en déplaçant la main gauche sur les cordes.
Il est aussi appelé le TRICHORDE.
Les instruments à vent
Le principal instrument à
vent des grecs est l’AULOS (joué par les aulètes), qui est un
instrument à deux chalumeaux en roseau. Contrairement aux flûtes, c’est un
instrument à anche (lamelle que fait vibrer le souffle du musicien). Celle-ci
est faite de paille ou de roseau.
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Aulos hellénique reconstitué du Louvre, joué par Stefan Hagel
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Tout
comme la lyre, l’aulos a évolué pour créer d’autres instruments :
L’ascaule
qui est un aulos équipé d’une outre gonflée d’air, comme les cornemuses ou
binious actuels.
Le monaule qui est un aulos à un seul chalumeau.
Enfin, un grec d’Alexandrie, nommé Ctésibios, a inventé l’orgue qui s’appelait alors
l’hydraulos, en
réunissant plusieurs monaules à un clavier et en les alimentant avec de l’air
comprimé créé par une colonne d’eau.
On utilisait également
des variétés de flûtes sans lamelle vibrante, qui pouvaient comporter un ou
plusieurs tubes comme la syrinx, ou flûte de Pan.
Syrinx (flûte de pan)
Du nom d'une nymphe d'Arcadie qui fut transformée en roseau après s'être jetée dans un fleuve pour échapper à Pan.
Celui-ci cueillit alors des roseaux qu'il assembla pour en faire une flûte à laquelle il donna le nom de Syrinx.
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On retrouve la lyre et l’aulos sur cette fresque étrusque du 5ème
siècle avant J.C.
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Les instruments à percussion
Sistre
Bacchante jouant du tympanum
Les sistres sont constitués de pièces
métalliques qui s’entrechoquent
Les tympanums sont des tambourins, constitués d’un cercle de bois couvert de peaux tendues
sur les 2 côtés au moyen d’un lacet.
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Déesse au crotale Lekythos
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Satyre jouant des crotales
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Les crotales sont des
instruments à percussions de la famille des castagnettes
… et les cymbales
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L’invention
de l’orgue
C’est
Ctésibios d’Alexandrie, au 3ème siècle avant JC, qui construisit le
premier type d’orgue connu appelé Hydraule, nom formé d’hydros (eau) et d’aulos, instrument à vent
que nous avons vu précédemment. On l’appelle aussi orgue hydraulique. En
effet, cet instrument utilisait une colonne d’eau pour assurer une pression
d’air continue pour alimenter ses tuyaux.
L’hydraule
mettait en œuvre plusieurs des nombreuses inventions de Ctésibios, en
particulier : le piston, la soupape, le clavier, ainsi que le principe
d’élasticité de l’air permettant d’obtenir de l’air comprimé.
La
configuration générale d’un orgue est la suivante :
Chaque
tuyau, de longueur différente,
correspond à une note.
Le
sommier permet de diriger l’air fourni par
la soufflerie vers le tuyau (la note) sélectionné par le clavier.
On
retrouve ces éléments dans l’hydraule sous la forme suivante :
Sommier et
clavier :
A chaque tuyau est
associé un tiroir dans le sommier, actionné par une touche du clavier. Ce
tiroir en se déplaçant autorise ou non l’accès de l’air dans le tuyau.
Soufflerie :
L’air
est introduit dans la cloche à l’aide de la pompe, actionnée manuellement.
La
colonne d’eau dans laquelle est immergée la cloche, assure dans celle-ci une
pression continue.
Dans la pratique, l’hydraule comportait 2 pompes actionnées
manuellement, et pouvait ressembler à ceci :
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Ce compact disc réunit
les fragments épars de la musique grecque antique que l’on a pu retrouver, et
qui sont datés de 500 av. JC jusqu’au 3ème siècle ap. JC.
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En voici de courts extraits :