Sommaire de ce chapitre
Les débuts de la musique médiévale
Le chant grégorien
Ars Antiqua
Naissance de la polyphonie
L’école de Notre-Dame
Hildegard von Bingen
Troubadours et trouvères
Ars Nova
Philippe de Vitry
Guillaume de Machaut
Les instruments du Moyen-Âge
Les débuts de la musique médiévale
Avant et pendant une grande partie du Moyen-Âge,
la musique se transmet principalement oralement de génération en génération.
Avant 400 à 500 après JC, il n’en
existe aucun témoignage exploitable.
Jusqu’au 9e siècle, elle est
principalement monodique (à une seule voix), la polyphonie se développant
ensuite, principalement à partir du 12e siècle.
La musique du moyen âge commence principalement
à l’église qui poursuit la tradition des anciens grecs et des juifs de
Jérusalem. On y trouve des psaumes et des hymnes.
L’un des premiers compositeurs, au 4e
siècle, est Saint Ambroise (340-397), évêque de Milan, qui a composé des hymnes
(8 strophes de 4 vers brefs), et est à l’origine du chant Ambrosien.
Chant ambrosien : "Ecce quam bonum et jocundum"
Augustin d'Hippone ou saint Augustin
(354-430) a quant à lui écrit un traité de la musique.
Le chant Grégorien
Au 6e siècle, dans le cadre
de la réorganisation et l’harmonisation des rites des églises, le pape Grégoire
le grand (540-604) rassembla une sélection de chants destinés à toutes les
fêtes de l’année religieuse dans un document appelé antiphonaire, et fonda
une école de musique : La Schola Cantorum destinée à former les
ecclésiastiques et propager dans toute l’Europe cette nouvelle forme musicale.
Ce chant grégorien est
interprété à cappella (sans instruments) uniquement par les hommes (le
clergé) dans les églises. Il est chanté en latin, à l’unisson.
Le terme de plain-chant (musique
plane) appliqué au chant grégorien met en valeur l’aspect simple, calme et
serein de cette musique par opposition aux musiques profanes et
instrumentales de l’époque.
Le chant grégorien vécut
principalement du 7e au 12e siècle, mais il est encore pratiqué
aujourd’hui et sa tradition est en particulier entretenue par les moines de
l’abbaye de
Solesmes, importants producteurs de disques de cette musique.
Voici un extrait de chant grégorien par la Schola Cantorum of Amsterdam Students :
Ars Antiqua
L’expression Ars Antiqua désigne
la période des 12e et 13e siècles, depuis les débuts du
développement de la polyphonie jusqu’à l’avènement de l’Ars Nova.
Naissance de la polyphonie
La polyphonie a sans doute existé de
tous temps, mais elle a été organisée à partir du Moyen-Âge et on peut
l’associer à l’apparition des notes carrées au 12e siècle.
La notation carrée
Pendant de nombreux siècles, la musique
chrétienne s’est transmise uniquement par tradition orale. Puis les neumes
apparurent vers le 7e ou le 9e siècle : ce sont des
signes tels que accents, points, traits, placés au-dessus ou à côté des
paroles, qui donnent des indications sur l’accentuation et le sens de la
mélodie.
Notation neumatique du 9e siècle
Au 12e siècle, on assiste à
une déformation de l’écriture : la notation carrée remplace progressivement les
neumes :
Au 9e ou au 10e siècle,
un moine copiste imagina d’utiliser une ligne de référence représentant un son
fixe, le fa, servant de référence aux autres notes, réparties dans l’espace,
au-dessus et au-dessous de cette ligne : C’est ainsi que naquit le principe de
la portée. Puis on donna la couleur rouge à cette ligne de fa, et on y ajouta
une seconde ligne, de couleur jaune, pour l’ut (do), puis une troisième ligne,
puis une quatrième ligne.
C’est seulement à la Renaissance que
l’on voit se fixer notre portée définitive de 5 lignes avec la barre de mesure.
La gamme musicale
Vers 1030, le moine Guido d’Arezzo
invente la solmisation, système de notation musicale – doublé d’une méthode
pédagogique – dans lequel les notes sont chantées sur des syllabes.
Alors que jusque-là on utilisait les
premières lettres de l’alphabet pour désigner les notes, on lui attribue,
semble-t-il à tort, le procédé mnémotechnique par lequel on les nomme,
maintenant dans les pays latins, à partir des syllabes initiales d’un hymne à
Saint Jean-Baptiste :
UT queant laxis
REsonare fibris
MIra gestorum
FAmuli tuorum
SOLve polluti
LAbii reatum
Sancte Ioannes.
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L’UT est devenu plus tard DO.
Formalisation de la polyphonie
Le 12e siècle voit donc
l’organisation et la formalisation de la polyphonie. Les principales formes
rencontrées à cette époque sont :
-
L’organum, qui met en valeur le plain-chant (la mélodie) par l’accompagnement
d'une ou plusieurs voix.
-
Le déchant, dans lequel la mélodie passe à la voix inférieure alors
appelée le ténor, et l’accompagnement en voix supérieure, en mouvement
contraire de la mélodie.
-
Le conduit, à deux à quatre voix, destiné à la
"conduite" du prêtre vers l'autel.
-
Le motet, à deux, trois ou quatre voix, ayant généralement pour
ténor un fragment de plain-chant, les autres voix, librement ornées, étant
composées soit sur des textes liturgiques soit sur des poèmes profanes en
langue vulgaire.
L’école de Notre-Dame
C’est alors que s’édifiait la cathédrale
que des musiciens firent de Paris un foyer artistique de renom international.
De l’école de Notre-Dame, seuls les noms de Maître Albert de Léonin et de
Pérotin furent transmis à la postérité.
L’œuvre principale de Léonin
est le Magnus Liber Organi composé entre 1160 et 1180. C’était un
cycle de chants pour l’année liturgique dont il reste 80 organums à 2 voix.
En voici un extrait :
Pérotin était le meilleur élève
de Léonin à qui il succéda à l’orgue de Notre-Dame, et dont il publia et
améliora le Magnus Liber Organi, livre de musique de Notre-Dame. Avec lui
apparaît l’écriture à trois et à quatre voix (organum triplum et organum
quadruplum), évoluant en mouvements contraires, dont voici un extrait :
Hildegard von Bingen (1098-1179)
Hildegard von Bingen est une
religieuse bénédictine, femme de lettres et compositrice allemande. Elle a
composé plus de 70 chants monodiques liturgiques, hymnes et séquences
mélismatiques formant la collection « Symphonia
harmoniae celestium revelationum » (Symphonie de l'harmonie des
révélations célestes), ainsi qu’un drame liturgique « Ordo
virtutum » (Le jeu des vertus), comportant 82 mélodies.
Hildegard von Bingen représentée sur un vitrail de l'Abbaye Sainte-Hildegarde d'Eibingen.
Troubadours et trouvères
La musique profane du Moyen-Âge était
essentiellement représentée par les troubadours et les trouvères.
Les troubadours, qui s’exprimaient en
langue d’Oc, apparurent dans le sud de la France au début du 12e
siècle, et furent suivis par les trouvères, qui s’exprimaient en langue d’Oïl,
au nord de la Loire. C’étaient des poètes-musiciens, principalement des
seigneurs et des dames de grandes familles (tels par exemple Thibaud de
Champagne devenu roi de Navarre), dont les compositions sont très marquées par
l’amour courtois en vogue à cette époque. Richard Cœur de Lion lui-même a été
qualifié de roi-trouvère.
Guillaume IX d'Aquitaine
(1071-1127), 7e comte de Poitiers, qui menait une vie joyeuse au
milieu d'une troupe de « compagnons », est le plus ancien troubadour.
Il est surnommé depuis le 19e siècle, le roi des troubadours.
Guillaume IX : Farai un vers pos mi sonelh
Adam de la Halle (1235
environ-1285 environ), appelé aussi Adam le bossu, est sans conteste le plus
célèbre des trouvères. Il est l’auteur de célèbres compositions telles
que Le jeu de la feuillée, et surtout Le jeu de Robin et Marion,
que l’on a considéré comme le point de départ de l’opéra-comique français.
En voici quelques extraits :
Ars Nova
Le terme d’Ars Nova désigne la
musique du 14e siècle, et tient son nom du titre d’un traité musical
écrit par le compositeur et théoricien Philippe de Vitry vers 1320.
Les innovations de l’Ars Nova
concernent essentiellement la notation, et le développement de la polyphonie
qui en découle par de nouvelles règles de composition et l’apparition du style
harmonique (c’est à dire de successions d’accords).
Les principales figures de l’Ars Nova
sont Philippe de Vitry pour ses travaux de codification, et Guillaume de
Machaut pour ses œuvres musicales.
Philippe de Vitry (1291-1361)
Philippe de Vitry, évêque de
Meaux, était connu de ses contemporains comme un savant, un poète et un
musicien.
On le connait peu comme compositeur
mais très bien comme théoricien car il nous a laissé des traités de musique
dont le plus important, l’Ars Nova, a donné son nom au mouvement
musical de cette époque.
Peu de ses œuvres musicales nous sont
parvenues. On note néanmoins sa participation au Roman de Fauvel,
dont la réalisation est due au concours de plusieurs auteurs et compositeurs.
Le Roman de Fauvel est un pamphlet
très provoquant s’attaquant aux rois Philippe IV et Philippe V ainsi qu’à la
cour du pape en Avignon. Il raconte les exploits d’un âne fauve, symbole de
tromperie et de vilénie.
En voici un extrait :
Guillaume de Machaut (1300 environ-1377)
Guillaume de Machaut est la grande
figure de l’Ars Nova. Il met en pratique de façon magistrale les
nouvelles théories codifiées par Philippe de Vitry, dans de nombreuses
compositions profanes et sacrées telles que lais, ballades, rondeaux,
virelais, motets et surtout la célèbre messe de Notre-Dame.
Les lais sont des poèmes narratifs très courts, à une ou
deux voix, parfois accompagnés par des instruments.
Les ballades à 2, 3 ou 4 voix, sont formées de trois strophes
égales et d’un couplet plus court appelé envoi.
Les rondeaux à 2, 3 ou 4 voix sont des petits poèmes de treize
vers avec répétition obligée.
Les virelais à une ou deux voix sont soutenus par un
instrument de musique (Harpe ou vielle)
Les motets sont dans leur nouvelle forme, isorythmique.
Voici un extrait d’une des 42 ballades
écrites par Guillaume de Machaut :
Mais surtout, Guillaume de Machaut
invente un nouveau genre musical qui va être développé magnifiquement par les
musiciens des siècles suivants, qui est la messe à plusieurs voix. Sa messe de Notre-Dame n’est pas seulement un des
chefs-d’œuvre de la musique médiévale, c’est aussi un sommet de l’histoire de
la musique.
La messe de Notre Dame a été écrite en
1364, semble-t-il à l’occasion du sacre de Charles V.
Elle comporte 6 parties polyphoniques à
4 voix : Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei, Ite missa est.
D’autres séquences chantées dans le
style grégorien complètent la messe.
En voici un extrait :
Le début du Gloria
Les instruments
du Moyen-Âge
Les instruments du Moyen-Âge, jusqu’au
11e siècle, diffèrent peu des instruments de l’antiquité
gréco-romaine, puis se développent du 11e au 15e siècle.
Ils nous sont connus essentiellement
par l’iconographie et les sculptures des cathédrales.
La plupart des illustrations qui
suivent sont extraites des Cantigas
de Santa Maria, magnifique manuscrit richement illustré, représentant
la plus grande source iconographique concernant les instruments du Moyen-Âge.
Les principaux instruments à
cordes rencontrés au Moyen-Âge sont :
-
Les instruments à cordes pincées : la rote, le psaltérion, la harpe,
le luth, la guiterne (ou mandore)
-
Les instruments à corde frottées (utilisant un archet) : La vièle, le
rebec, la gigue, l’organistrum, la chifonie, la vièle à roue
-
Le tympanon est un instrument à cordes frappées.
On distingue 2 types d’instruments à
vent au Moyen-Âge: les instruments avec anche, et sans anche.
Dans les instruments à anche, c’est
l’anche, simple ou double, qui oscille et fait vibrer la colonne d’air. On y
trouve les hautbois, cornemuses, chalumeaux et chalémies, cromorne etc…
Parmi les instruments sans anche, on
distingue les instruments à bouche, dans lesquels la colonne d’air est mue
grâce à une ouverture circulaire ou longitudinale (flûtes, pipeaux …) et les
instruments à embouchure dans lesquels ce sont les lèvres de l’exécutant qui
jouent le rôle de l’anche vibrante (trompettes …)
Les instruments à percussion au
moyen-âge sont nombreux et variés.
On y trouve divers types de tambours,
tambours de basque (munis de petites cymbales métalliques), crecelles, cymbales,
triangles, cloches et grelots, guimbardes.