Sommaire de ce chapitre
Introduction
On considère que la Renaissance couvre la période 1400-1600, soit les 15e et 16e siècles.
On distingue globalement 5 générations successives de compositeurs :
Le 15e siècle marque la
naissance d’une nouvelle esthétique, engagée par l’anglais John Dunstable et le
fondateur de l’école franco-flamande, Guillaume Dufay.
Au 16e siècle, l’héritage de
Ockeghem et de Josquin Des Prés est repris par Palestrina en Italie et Roland
de Lassus, qui sont les plus grandes personnalités musicales du siècle. Les
formes principales de musique sacrée restent la messe et le motet.
John Dunstable (1385-1453)
John Dunstable était un mathématicien
et astronome anglais, plus connu comme musicien. On a retrouvé ses manuscrits
en Italie, en Allemagne, en France.
Son style ouvre la voie à l’école
flamande, où il influença en particulier Dufay et Binchois. Son utilisation
de tierces majeures, qui rendait sa musique plus harmonieuse que celle de ses
contemporains, allait en effet devenir la norme.
Son influence a aussi été très
importante dans le développement du style contrapuntique de la Renaissance.
On peut considérer qu’il assure ainsi le passage de l’ars nova du
Moyen-Âge à la musique de la Renaissance.
Extraits musicaux :
, motet isorythmique à 4 voix.
, l’une des chansons les plus célèbres du 15e siècle.
L’école Franco-flamande
L’école flamande assure dès le 15e siècle la transition
entre le Moyen-Âge et la Renaissance.
Les principaux compositeurs appartenant à cette école sont
-
Au15e siècle, Guillaume Dufay et Gilles Binchois pour la
première moitié du siècle suivis de Johannes Ockeghem, Jacob Obrecht et Josquin
des prés.
-
Puis au 16e siècle, Roland de Lassus et Clément Janequin.
Guillaume Dufay (1400 - 1474)
Guillaume Dufay est l’un des plus
grands musiciens français du 15e siècle. Il compléta sa formation
commencée à la maîtrise de Cambrai, par de nombreux voyages en France et en
Italie et sut faire la synthèse des différentes écoles qui l’ont précédé.
Enluminure du 15e siècle montrant Guillaume Dufay près d’un orgue positif et Gilles Binchois tenant une harpe.
Il fonda l’école franco-flamande qui
dura jusqu’à la fin du 16e siècle et porta la musique polyphonique
à son apogée.
Guillaume Dufay a composé de
nombreuses œuvres qui ont servi de modèle aux générations suivantes.
Extrait musical :
(1464)
Gilles de Binche
dit Binchois(1400 env.-1460)
Gilles Binchois, compositeur d’œuvres
profanes et religieuses, est surtout connu par ses chansons polyphoniques
profanes dont une cinquantaine nous sont parvenues, et qui sont des plus belles
dans ce genre.
Extrait musical :
Johannes Ockeghem (environ 1410-1497)
J. Ockeghem était considéré par ses
contemporains comme un génie de la musique. C’est l’un des compositeurs phare
de l’école franco-flamande, entre Guillaume Dufay et Josquin des prés. Il a
introduit dans la musique une nouvelle dimension émotionnelle et a beaucoup
influencé les autres musiciens de la Renaissance.
Extraits musicaux
(chanson à 3 voix) (extrait)
(extrait)
Jacob Obrecht (1458, 1505)
J. Obrecht a composé :
- 27 messes
- une trentaine
de motets,
- Une
cinquantaine de compositions profanes
Il a été le professeur de musique du
jeune Erasme.
Extraits musicaux, de la missa Maria Zart :
(extrait)
(extrait)
Josquin des Prés (1440 environ-1521 ou 1524)
Josquin Des Prés, surnommé le « prince
de la musique » est assurément le plus grand compositeur de l’école
franco-flamande du 15e siècle. Il a su concilier dans sa musique
la spiritualité de l’époque médiévale et l’humanisme de la Renaissance.
Avec Josquin des Prés apparaissent
dans la musique, émotion et pathétique.
Luther (1483-1546) a dit de lui : « Les
musiciens font ce qu’ils peuvent des notes, Josquin en fait ce qu’il veut ».
Extraits musicaux :
Les extraits musicaux suivants
illustrent les 3 genres dans lesquels excella Josquin des Prés : la messe, le
motet et la chanson.
Messe :
Chanson :
Motet :
Plus sur Josquin des Prés : Fiche Josquin des Prés
Rolland de Lassus (1532, 1594)
Roland de Lassus (ou Orlando Lasso)
est considéré comme l’un des plus grands musiciens de tous les temps, devant
son contemporain Palestrina.
Sa réputation était européenne. Il a
été surnommé par ses compatriotes belges « l’Orphée belge », par
les français (Ronsard) « le plus que divin Orlande » et par les
italiens « Mirabile Orlando ».
Roland de Lassus était un personnage
très extravagant. Certains pensent, à la lecture de sa nombreuse
correspondance, que son génie était à la limite de la folie.
Son œuvre comprend de nombreuses œuvres
religieuses (motets, messes, magnificats …) et profanes (madrigaux,
villanelles, chansons françaises, lieder allemands …)
Voici une chanson de Roland de Lassus
composée sur un poème de Ronsard :
Plus sur Roland de Lassus : Fiche Roland de Lassus
Clément Janequin (1485-1558)
D’après Ronsard, Clément Janequin fut
élève de Josquin des Prés.
C’est essentiellement un compositeur
de chansons. Il en a écrit près de 300.
Il a eu une grande influence sur ses
contemporains ainsi que sur le madrigal italien.
Il est considéré comme le créateur de
la musique descriptive. Ses chansons illustrent effectivement des situations
de manière très imagée, comme on peut en juger par ces extraits :
(extrait)
(2 extraits)
Musique et poésie, avec Ronsard…
Comme pour les arts plastiques, la
musique, à la Renaissance, se tourne vers l’antiquité.
En 1571, le poète Antoine de Baif crée
une Académie de Musique et de Poésie rassemblant des poètes tels que Ronsard et
des musiciens tels que Claude le jeune, Eustache du Caurroy, Jacques Mauduit,
Guillaume Costeley, ainsi que des intellectuels de différentes disciplines.
L’esprit de cette académie était celui de l’antiquité grecque et latine qui
unissait musique et poésie.
Extrait musical :
de Guillaume Costeley (1531 env.-1606) sur un poème de Ronsard
Les compositeurs italiens
Palestrina (1525, 1594)
« Le père de l’harmonie », c’est
ainsi que Victor Hugo définissait Palestrina.
Giovanni Pierluigi Palestrina (du nom
de sa ville natale) est le plus grand compositeur italien de la Renaissance. Il
a amené la musique polyphonique religieuse à un haut degré de perfection.
Il a composé principalement des
œuvres liturgiques : Messes, motets, madrigaux spirituels, mais aussi des
madrigaux profanes dont certains sur des textes de Pétrarque.
Le style musical de Palestrina a été
une référence pour de nombreux théoriciens qui développèrent les règles du
contrepoint. On aura un aperçu de ce style dans l’extrait musical suivant :
(le début)
Plus sur Palestrina : Fiche Palestrina
Giovanni Gabrieli (1555, 1612)
Giovanni Gabrieli, compositeur
vénitien, est une importante figure de transition entre la Renaissance et la
musique baroque. Il étudia avec son oncle Andrea Gabrieli et avec Roland de
Lassus.
Il a beaucoup innové, en particulier
en introduisant des parties instrumentales dans des œuvres chorales, en
donnant des indications de nuances et en précisant l’orchestration dans certaines
de ses œuvres.
Voici de courts extraits d’une canzon
et d’une œuvre pour chœur et ensemble d’instruments :
Instruments : (extrait)
Chœur et instruments : (extrait)
Les compositeurs anglais
Thomas Tallis (1505, 1585)
Thomas Tallis a travaillé sous le
règne de souverains catholiques, puis protestants. Il a donc été amené à
écrire des œuvres religieuses latines et anglicanes, les premières étant les
plus connues et les plus élaborées, les secondes plus simples. Il a également
écrit quelques œuvres profanes.
Ses principales œuvres 3 messes, 2
magnificats, des motets de 4 à 40 voix dont le plus célèbre est (début) pour 8 chœurs à 5 voix, les Lamentations de Jérémie, œuvre majeure du
répertoire de la Renaissance anglaise, de la musique liturgique anglicane et
des pièces pour instruments à clavier
Plus sur Thomas Tallis : Fiche Tallis
William Byrd (1540, 1623)
William Byrd fut élève de Tallis. Il
publia d’ailleurs en commun avec Tallis, en 1575, un recueil de motets
intitulé Cantiones quae ab argumento sacrae vocantur.
Excellent mélodiste, il a écrit de
nombreuses œuvres, profanes ou religieuses, pour voix accompagnée de violes
dont l’une des plus connues est une chanson intitulée Susanna
fair, pour voix et 4 violes. Parmi ses autres principales œuvres, citons une
messe
pour 4 voix et un Ave
verum corpus pour 4 voix également.
William Byrd a été l’un des principaux
compositeurs virginalistes de l’époque avec une œuvre de près de 150
pièces.
Voici de courts extraits d’une œuvre
pour virginal, interprétée ici au clavecin :
, pour clavier en la mineur n° 3, MB 16
Plus sur William Byrd : Fiche Byrd
Les compositeurs espagnols
La musique espagnole de la Renaissance
ne présente pas encore ses caractères typiques qu’on lui connaîtra plus tard,
et reste très proche des musiques flamandes et italiennes de l’époque.
Les principaux compositeurs espagnols
du 16e siècle sont Cristobal Morales (1500, 1553), Francisco
Guerrero (1527, 1599) et le plus important, Tomas Luis de Victoria. (1540,
1611).
Le premier recueil de pièces de musique
pour guitare espagnole (autre nom de la guitare classique) est composé par Luis
de Milán en 1536.
Tomas Luis de Victoria (1548, 1611)
C’est le plus grand compositeur
espagnol de la Renaissance.
Il vécut 25 ans à Rome où il fut
élève de Palestrina, avant de rentrer en Espagne en 1589.
Tout l'œuvre de Victoria appartient
au genre de la musique vocale sacrée. Sa musique religieuse est
contemplative, mystique, d’un degré élevé de spiritualité.
Son œuvre comprend : 20 messes, 18
Magnificat, 52 motets et autres œuvres liturgiques dont hymnes et psaumes
Les instruments de la Renaissance
Au 15e siècle, les
instruments ont un rôle très effacé, la musique étant alors essentiellement
orientée vers la polyphonie vocale. Seuls l’orgue et les premiers instruments à
clavier ont connu, en Allemagne, une évolution significative.
On reconnaît sur ces tableaux de Hans
Memling (1435-1494) les instruments en usage au 15e siècle :
De gauche à droite :
Un psaltérion
Une trompette marine
Un luth
Une sacqueboute
Une bombarde
De gauche à droite :
Une trompette
Une sacqueboute
Un orgue portatif
Une harpe
Une vièle
Au 16e siècle les
instruments à clavier se développent, tels l’épinette et le clavicorde
aboutissant à la naissance du clavecin.
Pendant tout le 16e siècle,
les instruments prédominants sont le luth,
l’orgue
et le clavecin,
mais les instruments à cordes frottées évoluent également, de rebec en viole
et de viole en violon
qui sera très utilisé dans l’époque baroque suivante.
L’utilisation plus importante des
instruments permet à la musique d’évoluer dans des domaines que la voix humaine
lui interdisait jusqu’alors : virtuosité, étendue des ressources sonores.
L’épinette, le virginal, le clavecin
Double virginal de 1581
L’épinette, ancêtre du clavecin, évolue en Angleterre sous le nom
de virginal, qui inspire de nombreux compositeurs anglais (les « virginalistes
»).
Principe de fonctionnement du clavecin
Ces trois instruments fonctionnent selon le même principe :
Ce sont des instruments à cordes pincées, c’est à dire que chaque
corde est attaquée par un sautereau actionné par la touche correspondante. Le
sautereau est constitué d’une petite tige de bois mobile qui supporte un bec de
plume qui va griffer la corde.
Lorsque la touche est au repos (1) l’étouffoir repose sur la
corde, l’empêchant de vibrer. Lorsqu’on enfonce la touche, le sautereau s’élève
contre la corde (2) puis la relâche, la faisant vibrer (3). Lorsqu’on relâche
la touche, la languette bascule permettant au plectre de redescendre sous la
corde (4). En fin de course, l’étouffoir viendra arrêter la vibration de la
corde (1).
Evolution de l’orgue
Après l’orgue portatif et l’orgue positif, apparaît le grand
orgue, d’abord utilisé en accompagnement, puis en instrument soliste.
Orgue portatif (ou régale)
|
Orgue positif (1432)
|
Le principe du grand orgue est le même que celui de ses prédécesseurs (cf. l’hydraule) : Une soufflerie actionnée manuellement alimente un sommier qui distribue l’air à des tuyaux sélectionnés par un clavier.
L’évolution de l’orgue à la renaissance concerne essentiellement la complexité croissante des jeux et l’utilisation de registres commandant ces différents jeux
Grand orgue de l’église de la Sainte Trinité de Smecno (1587)
Pour en savoir plus sur la Renaissance :
Introduction à la musique classique : La Renaissance
A suivre =>