Théorie et formes musicales
Sommaire de ce chapitre
Introduction
La musique baroque concerne une période d’environ 150 ans,
de 1600 à 1750. Elle suit la période de la Renaissance et précède la période
dite classique qui sera représentée en particulier par Haydn, Mozart et
Beethoven.
Voici comment Jean-Jacques Rousseau définissait la
musique baroque dans son dictionnaire de musique en 1768 :
« Une musique baroque est celle dont l'harmonie est confuse,
chargée de modulations et dissonances, le chant dur et peu naturel,
l'intonation difficile, et le mouvement contraint. »
Pas très encourageant, mais ce terme a depuis perdu son
sens péjoratif, et s’applique maintenant à toute la musique de cette période (y
compris à celle de Jean-Jacques Rousseau).
Les musiciens baroques étaient considérés comme des
artisans de la musique, plutôt que comme des artistes libres, créant et
« fabriquant» de la musique pour leurs commanditaires : Eglise, rois
ou maitres. Bach, par exemple, par sa fonction de maitre de chapelle, devait
écrire une cantate pour chaque dimanche de l’église de Leipzig.
La théorie
La
période baroque a été très féconde dans l’évolution de la musique, avec
l’invention de la gamme tempérée, l’utilisation des modes majeurs et mineurs,
la création de nouveaux instruments et surtout la définition des bases de
l’harmonie classique.
La tonalité
La baroque acte la naissance de la tonalité et sa substitution à la modalité qui avait cours jusque-là. On va en effet substituer aux 7 modes d’église les 2 seuls modes
et . Ces 2 modes permettent d’introduire un mécanisme qui est au cœur du système tonal, grâce à ses deux degrés fondamentaux,
la (1er degré de la gamme, degré de la détente) et la (5e degré de la gamme, degré de la tension).
Le rythme
La période baroque voit la conception du temps évoluer. On définit un tempo de référence pour chaque pièce, du plus lent au plus rapide : adagio, andante, moderato, allegro, presto.
L’utilisation des barres de mesure dans les partitions devient systématique. Les mesures, délimitées par des barres, permettent de définir une hiérarchie des temps : temps forts et temps faibles.
L’harmonie classique
C’est de l’époque baroque que datent les premières règles
harmoniques. Celles-ci étaient rigoureusement respectées par les musiciens, de
sorte qu’il est plus difficile de distinguer la musique de 2 compositeurs de
cette époque que celles de 2 compositeurs des 19e et 20e
siècles.
De nombreux compositeurs
écrivent des traités de la musique définissant les bases de l’harmonie. On peut
citer entre autres :
Au 17e siècle :
Marc-Antoine Charpentier : « Règles de composition »
René Descartes : « Abrégé de la musique »
Au 18e siècle :
François Campion : « traité d’accompagnement et de composition » (1716)
Et surtout Jean-Philippe Rameau dont l’œuvre théorique sur la
musique va marquer la tradition française, avec entre autres :
«
Traité de l’harmonie réduite à ses principes
naturels » (1722)
«
Nouveau système de musique théorique » (1722)
«
Génération harmonique ou Traité de Musique Théorique
et Pratique » (1722)
Planches extraites de l’ouvrage de
Rameau :
Génération harmonique ou Traité de
Musique Théorique et Pratique
Evolution de la gamme musicale
La gamme tempérée
Nous avons vu la gamme évoluer au cours des précédentes
périodes :
- la gamme de
Pythagore était basée sur la division d’un corde vibrante et les rapports de fréquence 2 pour l’octave et
3/2 pour la quinte. Cette gamme présentait 2 valeurs d’intervalles, une pour le
ton (9/8) et une pour le demi-ton (16/15).
- la gamme de
Zarlino ajoutait le rapport 5/4 pour la tierce majeure. Cette gamme, plus proche de l’harmonie naturelle,
avait pour inconvénient d’ajouter une troisième valeur d’intervalle de sorte
qu’un ton pouvait avoir la valeur 9/8 ou 10/9 selon sa position dans la gamme.
Il avait donc fallu, pour assurer des transcriptions justes, définir des
altérations différentes selon qu’elles montent (dièses) ou qu’elles descendent
(bémols).
On appelle tempérament
une division de l’octave en 12 intervalles. Le tempérament peut être égal si
les 12 intervalles sont égaux, ou inégal dans le cas contraire, ce qui est le
cas des gammes de Pythagore et de Zarlino.
Pendant la période
baroque, de nombreux tempéraments sont utilisés, tous basés sur le compromis
résultant de l’observation suivante :
-
Les octaves se suivent dans un
rapport de fréquence de 2, les quintes dans un rapport 3/2.
- L’intervalle correspondant à 7
octaves du do1 au do7 a pour valeur 27 = 128.
- L’intervalle correspondant à 12 quintes du do1 au
si#6 a pour valeur (3/2)12 = 129,746337890625.
Ces valeurs sont
proches : leur écart est égal à 1/9 de ton, appelé comma. En les
confondant, afin que si# = do, on pose l’équation 7 octaves = 12 quintes=128.
Mais il faut alors
répartir ce comma sur l’étendue de la gamme, afin que celle-ci reste la plus
juste possible. C’est ce qu’ont fait des théoriciens en définissant différents
tempéraments inégaux consistant à modifier certains intervalles dans la gamme,
généralement de ¼ ou 1/6 de comma.
En répartissant
uniformément ce comma sur les 12 intervalles de la gamme, Andreas Werckmeister
a défini la gamme à tempérament
égal, encore appelée, gamme tempérée, dans laquelle tous les intervalles
de demi-ton, modifiés d’1/12e de comma, sont égaux.
Le graphique 1
montre la suite des 12 quintes naturelles, allant du do1 au do7. L’écart
indiqué en rouge à l’arrivée entre le do et le si# correspond à un comma =
1/9 de ton. La dernière quinte fa (=mi#)-do indiquée en jaune se trouve donc
plus petite que les autres quintes, d’un comma.
Le graphique 2
montre un des nombreux tempéraments en usage à l’époque baroque. Pour
ramener le si# au niveau du do, on a désaccordé 4 intervalles de quintes
d’une valeur de ¼ de comma.
Le graphique 3
montre les conclusions d’une étude récente (2005) de Bradley Lehman,
concernant le tempérament utilisé par Bach. En effet, « clavier bien
tempéré » n’implique pas obligatoirement qu’il soit accordé selon un
tempérament égal, mais qu’il soit accordé selon le « bon »
tempérament. (qui serait donc, selon Bach, celui-ci, assez proche du
tempérament égal)
Le graphique 4
illustre l’accord du tempérament égal défini par Andreas Werckmeister
|
La gamme tempérée est
quelque peu contestée par les puristes, car elle est artificielle, et toutes
ses notes sont fausses par rapport aux harmoniques naturelles, mais c’est
néanmoins la gamme pratiquée dans la musique occidentale à partir du 18e
siècle.
L’avantage de la gamme
tempérée est de permettre toutes les transpositions et d’écrire dans toutes les
tonalités sur un instrument à clavier utilisant 12 touches par octave. Ceci est
particulièrement bien illustré par une œuvre majeure de JS Bach : « Le clavier bien
tempéré », comportant deux recueils de 24 préludes et fugues, dans les 12
tonalités et les 2 modes majeur et mineur.
L’inconvénient d’un
tempérament égal est que l’on perd les variations de « couleurs »
qui existaient entre les tonalités. En effet, avec un tempérament inégal, les
intervalles entre les degrés de chaque gamme de tonalité différente sont
différents, ce qui entraine des tonalités de « couleurs »
différentes.
Exemple avec la gamme
de Zarlino : l’intervalle entre degrés I et II est différent selon la
tonalité.
En fait, l’essentiel de la
musique baroque utilise des tempéraments inégaux, la gamme tempérée apparue à
la fin du 17e siècle ne se généralisant que plus tard. C’est
pourquoi les tempéraments inégaux sont particulièrement adaptés à l'exécution
du répertoire baroque, et les ensembles spécialisés les pratiquent couramment.
Le chiffrage et la
basse continue
La basse continue est une invention caractéristique de la
période baroque.
Nous avons vu qu’à la fin
de la renaissance, la polyphonie cède la place à la monodie accompagnée.
La mélodie devient alors
essentielle et l’accompagnement est laissé au libre arbitre de l’interprète qui
doit concevoir lui-même les accords à partir d’une simple basse écrite.
C’est cet accompagnement
instrumental que l’on appelle la basse
continue, car elle est présente en
continu tout au long du morceau. Le plus souvent, , la partie de basse est
jouée par une viole de gambe ou un violoncelle, et l’accompagnement (accords et
ornementations) est joué par un clavecin. En musique religieuse, le clavecin
peut être remplacé par l’orgue.
Afin de limiter les
variantes harmoniques, les premiers compositeurs baroques utilisent une
nouvelle notation, la basse
chiffrée, permettant de fixer les
accords en ne laissant à l’accompagnateur que la liberté des ornementations.
Extrait de La Sonnerie de Sainte-Geneviève-du-Mont
de Marin Marais, où l’on distingue la mélodie au violon (1re
portée), la basse à la viole de gambe (2e portée) et la basse
chiffrée pour le clavecin (3e portée).
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La
basse continue est indiquée B.C. dans une partition.
Le
principe du chiffrage consiste en 1 ou plusieurs chiffres notés au-dessus de
la basse, et indiquant les intervalles des notes de l’accord à réaliser. (C’est
pourquoi l’on parle de « réalisation » d’une basse).
Par
exemple, le chiffre 5 indique la quinte : si la basse est un Do, il
indiquera l’accord Do-Mi-Sol, la tierce (Mi) étant sous-entendue.
Si
celle-ci doit être altérée, le signe # ou b est alors indiqué, seul. Le
chiffre 6 seul indiquera l’accord Do-Mi-La. Les chiffres 4 et 6 superposés
indiqueront l’accord Do-Fa-La (la quarte remplaçant alors la tierce).
Pour plus de détails :
Chiffrage des accords
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L’ornementation
Les ornementations sous
forme notée apparaissent déjà dans le chant grégorien pour indiquer les
mélismes du plain chant.
Au 16e
siècle, le procédé d’ornementation le plus courant est celui de la diminution, consistant à remplacer des notes
longues par plusieurs notes de durée plus courte. Ces diminutions étaient
pratiquées avec une grande liberté d’improvisation par les interprètes. C’est
pourquoi, comme pour la basse continue, les compositeurs ont été amenés au 17e
siècle, à préciser par des signes appropriés, les ornementations à réaliser.
C’est donc pendant la
période baroque que la plupart des ornements sont définis, et très utilisés.
Certains peuvent être spécifiques à un instrument, d’autres d’usage plus
général. Les plus utilisés sont l’appogiature,
le trille, le mordant, le coulé, le grupetto ou doublé,
mais de très nombreux autres ornements ont été utilisés pendant cette période.
L’appoggiature est une petite note (inférieure ou supérieure à la
note écrite) qui dure généralement la moitié ou le quart de la note qu’elle
précède. Elle est inférieure lorsqu’elle prépare la note écrite par en
dessous, supérieure lorsqu’elle la prépare par en dessus.
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Le trille est une répétition de la note écrite en alternance avec la
note immédiatement supérieure, l’attaque se faisant toujours sur cette
dernière.
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Le mordant (de l’italien mordere, « mordre »)
consiste à alterner la note écrite et la note inférieure
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Le coulé s’applique aux tierces ascendantes ou descendantes, et
consiste à remplir l’intervalle tout en liant les notes.
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Le gruppetto ou doublé est une broderie autour de la note
écrite ; il commence avec la note supérieure.
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Les formes musicales
La période baroque voit se créer de nombreuses formes
musicales dont certaines perdureront tels l’opéra, la sonate (qui donnera
naissance à la symphonie) et le concerto, d’autres resteront spécifiques de
cette époque tels la suite, le concerto grosso.
La musique lyrique
La naissance de l’opéra
En Italie :
Ce sont deux musiciens florentins, Peri et Caccini, qui,
voulant ressusciter l’art antique créèrent en fait un nouveau style de drame
lyrique et inventèrent l’opéra, avec « Daphné » en 1594 et
« Euridice » en 1600.
Mais c’est
Monteverdi
qui va consacrer cette nouvelle forme d’art lyrique avec Orfeo
en 1607. Il composera ensuite « Ariana » en 1608, Le retour d’Ulysse
dans sa patrie en 1641 et « Le couronnement de
Popée » en 1643.
Ecoutez le premier «tube» de l’opéra :
(par le concerto italiano, Rinaldo Alessandrini)
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L’opéra d’alors peut se définir comme un drame musical
entièrement chanté, avec danses, airs et chœurs accompagnés par l’orchestre et
reliés par des phrases en récitatif (c’est à dire un chant proche du langage
parlé).
Ensuite, Alessandro Scarlatti (1659-1725) composera quelques 115 opéras ainsi que plus de 650 cantates et oratorios.
Pergolese (1710-1736)
marquera également l’opéra italien avec sa « Serva Padrona » (la
servante maîtresse).
En France :
C’est Jean-Baptiste Lully qui, après
avoir produit de nombreux ballets de cour et comédies-ballets avec Molière,
composa les premiers véritables opéras français (que certains préfèrent
appeler « tragédies lyriques » pour les distinguer de l’opéra
italien) Les plus célèbres sont « Cadmus et Hermione » en 1673,
« Alceste » en 1674, « Thésée » en 1675 et
« Armide » en 1686.
Louis XIV à 15 ans, dans le « ballet de la
nuit »
|
L’opéra français ou tragédie lyrique se distingue
alors de l’opéra italien par sa forme (5 actes au lieu de 3) et une place
plus importante donnée aux ballets (le goût de Louis XIV pour la danse n’y
est sans doute pas étranger), alors que l’opéra italien privilégie le
« bel canto ». On parle aussi d’opéra-ballet lorsque le
ballet devient prédominant et le chant plus rare.
L’opéra français comporte
aussi une ouverture à la française inventée par
Lully : Cette ouverture est composée de 3 mouvements : un mouvement
lent, un mouvement rapide et fugué et une reprise abrégée du premier
mouvement.
A la suite de Lully, l’époque baroque a vu exceller dans
ce genre (parmi les plus célèbres) Marc-Antoine
Charpentier, André Campra, Marin Marais, et surtout Jean-Philippe
Rameau dont les plus célèbres opéras sont « Les Indes
galantes » (1735), « Dardanus» (1739), « Platée »
(1745), « Les Paladins » (1760), « Les Boréades » (1764).
, extrait des Indes galantes de Rameau.
( par William Christie et les arts florissants)
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En Angleterre :
C’est Purcell (1659-1695) qui
lance l’opéra avec « Didon et Enée », suivi par Haendel (1685-1759)
(d’origine allemande) qui écrivit 40 opéras dans le style italien, dont les
plus célèbres sont « Jules César en Egypte », « Alcina », « Orlando », « Ariodante » …
, extrait de Didon et Enée de Purcell.
( par Jessie Norman, English chamberorchestra)
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Le choral
Le choral est un chant lithurgique introduit par Martin
Luther pour être chanté en chœur dans les églises protestantes, souvent
accompagné par l’orgue. Les chorals de Jean-Sébastien Bach sont les plus
cèlèbres.
On appelle aussi choral ou « prélude de
choral » une œuvre instrumentale (orgue en général), composée ou improvisé
sur le thème du chant correspondant.
Le choral sert souvent de base à la cantate.
La cantate
Le mot cantate vient de l’italien cantare qui signifie chanter.
La cantate est un ensemble de récitatifs et d’airs à une
ou plusieurs voix soutenues par une basse continue (clavecin, orgue …) à
laquelle peuvent s’ajouter d’autres instruments mélodiques (violons, flutes …).
Elle peut être profane (cantate de chambre) ou religieuse (cantate sacrée).
-
La cantate sacrée est surtout pratiquée dans l’église luthérienne,
où Jean-Sébastien Bach l’a portée à son apogée.
-
Elle existe aussi dans l’église anglicane avec Haendel, sous le
nom d’anthem.
-
En France, l’équivalent de la cantate sacrée est le grand
motet créé sous Louis XIV par Lully et Delalande. Le grand motet comprenait
divers morceaux sur des textes liturgiques en latin et pouvait être exécuté
par jusqu’à huit voix, instruments solistes, orchestre et basse continue.
L’oratorio
L’oratorio a la forme de
l’opéra : On y retrouve une ouverture, des récitatifs, des airs et des
chœurs, mais il n’y a pas de mise en scène. Il peut être profane mais est le
plus souvent religieux.
Les plus célèbres oratorios
baroques sont « Le Messie » (1742) de Haendel et les « Passion
selon Saint Jean » (1724) et « Passion selon Saint Mathieu »
(1727) de JS Bach.
de J.S. Bach.
(par Nikolaus
Harnoncourt et le Concentus musicus Wien)
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La
musique Instrumentale
Le concerto
On distingue 2 types de concertos à l’époque
baroque : Le concerto grosso et le concerto de soliste. Le premier n’a pas
survécu à l’époque baroque, le second par contre s’est perpétué jusqu’à nos
jours.
Le concerto grosso
Dans le concerto grosso, l’orchestre comprend 2 groupes de
musiciens : un petit groupe de solistes (le plus souvent 3) appelé concertino et un grand groupe appelé grosso ou ripieno.
Le concerto grosso comprend généralement de nombreux
mouvements avec des tempos très variés.
Les concertos grossos les plus connus sont sans doute les
6 concertos brandebourgeois de J.S. Bach.
de J.S. Bach (1685-1750).
(Orchestre de chambre de Stuttgart, dir K.Münchinger)
|
Les principaux autres compositeurs de concertos grossos de
l’époque baroque sont Corelli (1653-1713),
Torelli (1658-1709) et Haendel (1685-1759).
Le concerto (de soliste)
Le concerto de soliste met en présence un soliste et
l’orchestre, dans une sorte de conversation.
Cette forme de concerto semble avoir été définie
principalement par Vivaldi : Elle comprend 3 mouvements : Un premier
mouvement rapide( Allegro), un deuxième mouvement lent (Adagio ou andante) et
un Troisième mouvement rapide (allegro).
Le concerto est souvent conçu pour mettre en valeur la
qualité du soliste, aussi bien concernant sa virtuosité dans les mouvements
rapides, comme dans l’extrait suivant, que sa sensibilité dans le mouvement
lent.
, extrait des 4 saisons de Vivaldi (1678-1741).
|
La sonate
Le terme sonate vient de l’italien sonare qui signifie sonner.
A l ‘époque baroque, la sonate désigne une œuvre
jouée par des instruments par opposition à la cantate qui désigne une œuvre
chantée.
Au 17e siècle, on distingue la sonate
d’église (sonata da chiesa) généralement à 4 mouvements et assez solennelle,
et la sonate profane ou sonate de chambre (sonata da camera) composée de
plusieurs mouvements de danse.
Après 1700, la sonate évolue vers la forme qu’on lui
connaitra à partir de l’époque classique. Elle comporte 2 ou 3 mouvements de
tempos généralement différents et ne met plus en jeu qu’un ou deux
instruments, accompagnés ou non par une basse continue.
Les plus célèbres sonates de cette époque sont sans doute
les sonates en trio de Corelli et les 555
sonates pour clavecin de Domenico Scarlatti.
de D. Scarlatti.
(par Vladimir Horowitz au piano)
|
de Corelli.
(Manfredo Kraemer avec J. Savall)
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La Folia est une danse d’origine
portugaise du 15e siècle qui se répandit en Italie puis en
France sous le nom de « Folie d’Espagne ». Parmi un certain
nombre de thèmes, émergea la mélodie de base que l’on entend au début de
cette sonate :
.
Elle est basée sur la suite
d’accords : réM/La7/réM/do/fa/do/réM/la7
Apparue aux alentours de
1650 puis publiée en 1672 par Lully, cette mélodie devint le thème
d'innombrables variations dont les plus célèbres furent celles de Corelli
parues en 1700, ainsi que de Marin Marais, Scarlatti, Vivaldi … Elle sera encore
utilisée par des compositeurs du 19e et du 20e
siècle.
Voir aussi la fiche : Folies d'Espagne
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Le terme forme
sonate désignera à partir de l'époque classique, la forme
des premiers mouvements des sonates, concertos, symphonies et musique de
chambre, consistant en l’exposition d'un thème, son développement et sa
réexposition.
La suite (de danses) ou partita
La suite (ou partita) est dérivée de la sonate de chambre
qui comportait elle-même plusieurs mouvements de danses.
La suite pour clavecin est
particulièrement en vogue pendant toute la période baroque, mais elle est
également très présente pour ensembles d’instruments. Elle passera de mode
après la période baroque.
Couperin,
Rameau, Haendel,
JS Bach, … ont écrit de nombreuses suites et
partitas.
La suite est composée d’une
succession de danses, alternant mouvements vifs et mouvements lents.
Elle peut débuter avec un
prélude.Chaque mouvement de danse est généralement très simple, construit sur
un seul thème.
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Exemple de structure d’une suite
Partita n° 5 BWV829 de J.S. Bach
1) Prélude
2) Allemande
3) Courante
4) Sarabande
5) Menuet
6) Passepied
7) Gigue
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Les danses rencontrées le plus fréquemment (mais pas
systématiquement) dans la suite
sont l’allemande, la courante, la sarabande , le menuet, la gigue, auxquelles
peuvent s’ajouter d’autres danses décrites ci-après :
Allemande
C’est souvent le premier mouvement de la suite, après le
prélude. Issue d’une danse du 16e siècle, c’est un mouvement à 4
temps généralement peu dansant.
extraite de la suite en ré majeur de Marin Marais(1656-1728).
Bourrée
Danse à 2 ou 3 temps, originaire du centre de la France.
Son rythme est 2 croches/une noire à 2 temps ou 3 noires à 3 temps, avec 2e
et 3e temps syncopés.
extraite des «caractères de la danse» de Jean-Féry Rebel (1666-1747).
Courante
Danse glissée à 3 temps (3/2 ou 6/4 pour la française,
3/4 ou 3/8 plus rapide pour l’italienne) comprenant 2 parties avec reprise.
C’était la danse préférée de Louis XIV (avec le menuet).
Dans les suites, la courante vient souvent juste après
l’allemande.
extraite de la suite en mi mineur de J.P. Rameau (1683-1764).
Gavotte
Danse glissée à 2 temps (2/2) souvent précédée d’une
sarabande.
extraite du «concert 54 : Dubois» du sieur de Sainte Colombe(1640 ?-1700 ?).
Gigue
Danse à 4 temps d’origine écossaise, la gigue est
généralement jouée en dernier dans les suites. Elle est souvent composée en imitation.
, extraite de la partita n°5 BWV829 de JS Bach (1685-1750).
Loure
Danse lente en 6/8, apparentée à la bourrée, avec une
forte accentuation du premier temps. (D’où le terme lourer utilisé encore par les musiciens). Elle tient son nom de
l’instrument de la famille des cornemuses qui l’accompagnait à l’origine.
, extraite des «éléments» de Jean-Féry Rebel (1666-1747).
Menuet
Louis XIV dansant le
menuet
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Danse à 3 temps, originaire du Poitou. C’était une des
danses préférées de Louis XIV. Le menuet est une danse de suite, mais il a
aussi été utilisé par Lully dans ses opéras,
et il perdurera dans les sonates et symphonies classiques dont il constituera
un mouvement.
, extrait des pièces en trio en ré mineur de Marin Marais(1656-1728).
Musette
La musette est une danse champêtre à 3 temps, qui doit son
nom à l’instrument de la famille des cornemuses. Elle est à trois voix, l’une
faisant office de bourdon, les 2 autres chantant en canon.
, extraite des «plaisirs champêtres» de Jean-Féry Rebel (1666-1747).
Passacaille
La passacaille est une danse lente d’origine espagnole qui
comporte un thème bref et répété à la basse.
Ce thème est repris, par les
voix supérieures, et donne lieu à des variations harmoniques et mélodiques.
, extraite d’ «Armide» de J.B. Lully (1632-1687).
Chaconne
La chaconne, que l’on confond quelquefois avec la
passacaille, est comme elle une danse lente d’origine espagnole, basée sur un
thème bref repris par les différentes voix avec des variations harmoniques
et mélodiques. Voici la définition qu'en donnait J.P. Rameau :
"La chaconne est une longue pièce de musique à 3 temps, dont le mouvement est modéré et la mesure bien marquée.
Elle est composée de plusieurs couplets que l’on varie le plus possible.
La chaconne commence pour l’ordinaire, non en frappant mais au second temps"
, thème extrait des pièces en fa majeur de Louis Couperin (1626-1661).
Passepied
Cette danse à 3 temps, vive et gaie, plus rapide que le
menuet, serait héritée des marins bretons … à moins qu’elle ne dérive de la
bourrée auvergnate.
, extrait de la partita n°5 BWV829 de JS Bach (1685-1750).
Rigaudon
Danse à 2 temps originaire du sud de la France, à moins
qu’elle n’ait été inventée par Monsieur Rigaud, professeur de danse
parisien ? On le trouve surtout dans les suites de Rameau et de Couperin.
, extrait de la suite en mi mineur de J.P. Rameau (1683-1764).
Sarabande
Danse lente et solennelle à 3 temps avec appui sur le 2e temps, originaire d’Espagne où elle fut un temps interdite par philippe
II parce que jugée impudique.
, extraite des pièces en trio en do majeur de Marin Marais (1656-1728).
Tambourin
Cette danse est surtout utilisée par Rameau , également
par Marin Marais.. Elle est d’origine provençale et tient son nom du
tambourin qui l’accompagne avec le galoubet.
, extrait de la suite en mi mineur de J.P. Rameau (1683-1764).
Autres formes musicales
Le rondeau
Le rondeau est une forme musicale consistant en une
alternance de couplets avec un refrain, qui peut-être appliquée à des danses
de suite : par exemple : Menuet en rondeau, Gavotte en rondeau ...
Le tombeau
Le tombeau est une œuvre musicale composée en hommage à un
ami ou à un personnage important, qu’il soit mort ou vivant (comme son nom ne
l’indique pas).
Par exemple, il existe un « Tombeau de Monsieur de
Sainte-Colombe » écrit par Marin Marais, et un « Tombeau de
Lully » écrit par Jean-Féry Rebel.
On écrira encore des tombeaux au 20e siècle
avec le « Tombeau de Couperin » de Maurice Ravel ou le « Tombeau
de Claude Debussy » de Manuel de Falla.
L’ouverture
Ce terme désigne une composition musicale
généralement jouée en début d’un concert, ou d’un opéra.
d’ouverture de l’orfeo de Monteverdi en est un célèbre exemple.
A l’époque baroque, deux types d’ouverture prédominent :
-
L’ouverture à la française mise au point par J.B. Lully
-
L’ouverture à l’italienne que l’on trouve en particulier dans les
opéras d’Alessandro Scarlatti.
L’ouverture à la française a la structure
suivante :
-
Première partie : lente et majestueuse
-
Deuxième partie : plus rapide, de style fugué
-
Troisième partie : reprise abrégée de la première partie.
Cette reprise va avoir tendance
à disparaître par la suite, en particulier chez Rameau.
La forme de l’ouverture à la française a été très utilisée
par les compositeurs baroques, aussi bien allemands et anglais que français. En
particulier, J.S. Bach l’a utilisée dans ses « suites pour
orchestre » qu’il a baptisé « ouvertures »
L’ouverture à l’italienne a une structure inverse
par rapport à la française :
-
Première partie rapide, plus mélodique que symphonique
-
Deuxième partie lente et majestueuse
-
Troisième partie reprenant la première partie.
L’ouverture à l’italienne était moins prisée à l’époque
baroque, mais sa structure sera utilisée par la symphonie, qui va se développer
pendant la période classique.
La sinfonia
Ce terme, utilisé avant l’invention de la symphonie,
désignait, dans des cantates et oratorios de Bach en particulier, une
introduction ou un intermède purement instrumental.
Dans une suite, ce terme est synonyme d’ouverture.
Le Prélude
Le prélude est à l’origine une pièce servant
d’introduction à une œuvre musicale. On en trouve un par exemple en début de
certaines suites de Bach.
de J.S. Bach (1685-1750).
Par W. Rostropovitch
|
Ca peut aussi être une pièce indépendante :
de Haendel (1685-1759).
par un interprète japonais anonyme (sur youtube)
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C’est devenu une forme musicale introduisant une fugue,
une cantate ou un opéra.
Parmi les plus célèbres préludes de l’époque baroque, on
trouve ceux du « clavecin bien tempéré » de J.S. Bach comportant deux
recueils de 24 préludes et fugues.
de J.S. Bach (1685-1750).
Par Friedrich Gulda
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La toccata
Toccata vient de toccare (toucher) : c’est donc une
pièce pour instrument à clavier, bien que ce terme ait pu désigner auparavent
des pièces pour cuivres telles
de Monteverdi.
La toccata est une pièce écrite pour mettre en valeur
l’instrument (principalement l’orgue) et est caractérisée par des accords
fournis, des passages rapides soutenus par des notes tenues, des ornementations
trés riches.
Ecoutez le début de la plus célèbre toccata :
de J.S. Bach
(1685-1750). Par Wolfgang Rübsam
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La fugue
La fugue (du latin » fugere » qui signifie
« fuir ») résulte de l’évolution du contrepoint, passant par
l’imitation, le canon et le ricercare. C’est une forme majeure de la musique
classique occidentale.
Rappelons que :
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Le contrepoint
(point contre point) est la superposition de plusieurs mélodies.
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L’imitation
est une forme de contrepoint qui consiste à imiter une partie dans une autre.
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Le canon est
une imitation dans laquelle la même mélodie se reproduit dans les différentes
voix avec un décalage plus ou moins important.
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Le ricercare vient d’un mot italien signifiant
« rechercher ». il est construit autour de plusieurs thèmes agencés
selon le principe du contrepoint et de l’imitation mélodique.
La fugue, selon Marcel Dupré, « est une forme de composition musicale dont le thème,
ou sujet, passant successivement dans toutes les voix, et dans diverses
tonalités, semble sans cesse fuir »
Contrairement au ricercare, la fugue est construite sur un
seul thème appelé sujet, complété par un thème secondaire appelé contre-sujet.
L’architecture générale d’une fugue comprend :
- Une exposition lors de laquelle sont joués le
sujet et le contre-sujet selon le processus suivant : Une première voix
expose le sujet, puis une autre voix répond avec la même sujet en même temps
que la première voix joue le contre-sujet.
Dans l’exemple suivant, qui est le début de la 2e
fugue du « clavecin bien tempéré » de J.S. Bach, on a indiqué en
rouge le sujet, en rose la réponse au sujet (qui est le même thème à la quinte)
et en bleu le contre-sujet.
Ecoutez le début de cette fugue jouée par Glenn Gould :
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des divertissements, fondés sur les éléments mélodiques
précédemment exposés, séparent les différentes expositions qui vont se succéder
tout au long de la fugue dans différentes tonalités. (un premier divertissement
apparaît en noir sur l’exemple ci-dessus).
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Une strette termine la fugue : elle consiste à jouer
le sujet et le contre-sujet en canon à plusieurs voix très rapprochées, avec le
maximum de variations d’imitation (augmentation, diminution). C’est en quelque
sorte le bouquet final de la fugue.
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