Les instruments « star » de l’époque romantique
restent le piano et le violon, mais de nombreux nouveaux instruments
apparaissent dans l’orchestre.
L'orgue devient orgue romantique sous l'impulsion du célèbre
facteur Cavaillé-Coll.
L’orchestre symphonique
Les instruments nouvellement introduits dans l’orchestre
romantique sont le piccolo, le cor anglais, la clarinette basse, le saxhorn, le
cornet à piston, l’ophicléide, la harpe, l’orgue, les cymbales, la grosse
caisse et les cloches.
Par ailleurs, les instruments à vent évoluent significativement
avec l’introduction du système Böhm pour la flûte et la clarinette, et
l’invention du piston pour les cuivres tels que la trompette, le cor et le
tuba.
Evolution de l’orchestre symphonique du 18e
au 20e siècle
Disposition de l’orchestre symphonique au 19e
siècle.
Ambitus des instruments
On appelle ambitus d'un instrument l'étendue de son échelle sonore, de sa note la plus grave à sa note la plus aigüe. L'ambitus est différent de la tessiture qui désigne l'étendue dans lequel une voix chante au mieux ou un instrument "sonne bien".
En 1832, un flûtiste virtuose allemand, Théobald Böhm (1794-1881)
de Munich, met au point un nouveau système de clés qui va entraîner une
véritable révolution technologique dans la facture de l'instrument.
Par rapport aux systèmes précédents (appelés systèmes simples),
le système Böhm présente un mécanisme beaucoup plus complexe, comprenant des
clés montées sur des tiges et des ressorts.
Le système Boehm
Boehm fit sa première flûte en 1810. C’était une flûte à 4
clés.
Il fonda son atelier en 1828 à Munich, où il produisit des
flûtes à système simple, légères, à petits trous, pour lesquelles il composa de
la musique pleine de virtuosité.
Mais ces flûtes présentaient des problèmes de justesse et étaient
peu puissantes.
D’après Boehm lui-même, c’est la sonorité puissante du flûtiste
anglais Nicholson qui lui donna l’idée de renouveler la facture de la flûte.
Boehm mit alors en œuvre, en 1832, un système de clés, tel
que tous les trous sont ouverts au repos, chaque clé devant être actionnée pour
fermer un trou. Les trous furent percés plus grands et positionnés de manière
idéale, résultant en un écartement plus grand à mesure qu’on s’éloigne de
l’embouchure. Ceci a permis de gagner en justesse par le positionnement des
trous, et en puissance par leur plus grande dimension.
Cette nouvelle flûte est connue sous le nom de flûte conique Boehm
1832.
Flûte conique système Boehm 1832.
Pour permettre aux neuf doigts disponibles de commander les
quatorze trous de tonalité, Boehm conçut un mécanisme complexe mettant en jeu
des clés pleines et des clés en anneaux montées sur des tiges et des ressorts.
L’utilisation de touches pleines et de touches en anneau permet de
fermer deux trous à la fois par un seul doigt.
Dans l’exemple ci-dessus, jouer G ferme un trou (G), jouer E, F ou
F# entraine aussi la fermeture de G. En effet, F et E sont sur le même axe que
G, et l’axe de F# comporte un levier venant presser la touche G.
En 1847, Boehm perfectionna son système afin d’obtenir plus
de puissance dans les graves, et plus de justesse dans la troisième octave.
Après de nombreux essais, il choisit d’utiliser une forme cylindrique
pour le corps. Ceci permit de réaliser des trous plus grands mais, de ce fait
plus difficiles à fermer par des doigts fins, de sorte que les anneaux
disparurent progressivement au profit de clés pleines avec tampons.
Pour améliorer la justesse sur les 3 octaves, Boehm donna une
forme conique parabolique, à la partie interne de l’embouchure.
Les premières flûtes cylindriques de Boehm étaient en métal. Boehm
utilisa d’abord l’argent, puis le bois, enfin le bois associé à une tête
métallique. Peu à peu, la flûte de Boehm évinça la flûte baroque et les autres
types qui avaient succédé à cette dernière.
Böhm inventera également en 1855 la flûte alto ou
flûte en sol, plus grave d’une quarte (le do grave écrit correspond au sol
grave de la flûte).
Evolution de la clarinette au 19e
siècle
Après la période classique, le nombre de clés évolue jusqu’à 10
clés avec les concertos de Weber, et 17 clés et 4 anneaux avec le Quintette de
Brahms, intégrant le «système Böhm» développé pour la flûte en 1832 et 1847.
En 1810, Heinrich Bärmann (1784-1847) proposa de retourner le bec,
positionnant ainsi l'anche sur la lèvre inférieure du musicien, afin d’adoucir
et de mieux maîtriser la sonorité.
En 1812, Iwan Müller ajouta treize clés supplémentaires permettant
d’obtenir la gamme chromatique complète.
Entre 1839 et 1843, la clarinette fut perfectionnée par le facteur
d'instruments Auguste Buffet et le clarinettiste Hyacinthe Klosé qui
appliquèrent le système Boehm, précédemment mis au point pour la flûte
(Voir
cet instrument), et qui est aujourd’hui le plus utilisé.
Il existe néanmoins 2 autres systèmes qui sont le système Oehler,
utilisé en Allemagne et en Autriche, et le système Albert utilisé en Europe
centrale et en Turquie
Le système Boehm
Ce système a d’abord été développé pour la flûte puis adapté à la
clarinette, le hautbois et le saxophone.
Il repose sur les principes suivants :
La position des trous correspondant à chaque note est déterminée
de manière optimale, sans tenir compte de la position des doigts. Elle est
mesurée par rapport à la longueur totale du tube qui donne la note
fondamentale.
Un système complexe de clés à correspondances (une clé pouvant en
actionner plusieurs) permet de boucher tous les trous avec simplement 9 doigts.
Avec ce nouveau système :
- La production des sons aigus est plus facile
- La sonorité est meilleure et plus homogène
- La justesse est nettement supérieure
- Les doigtés dits fourchus sont supprimés.
Une clarinette utilisant le système Boehm, dispose d’un grand
nombre d’éléments mobiles comprenant touches, paliers, axes, vis et ressorts,
participant à la manipulation de 17 tampons obturant autant d'orifices
inaccessibles avec les doigts.
Eléments servant à la fabrication d'une clarinette
(Musée des instruments à vent de la Couture-Boussey)
La famille des clarinettes
(Musée des instruments à vent de la Couture-Boussey)
1 : Clarinette
sopranino en lab aigü.
2 : Clarinette
sopranino en mi aigü.
3 :Clarinette soprano
en ut.
4 : Clarinette soprano
en si.
5 : Clarinette soprano
en la.
6 : Clarinette alto en
mi.
7 : Cor de basset
(aussi appelé clarinette alto en fa)
8 : Clarinette basse.
9 : Clarinette
contrebasse.
Le cor anglais
Le 19e siècle voit l’introduction du cor anglais dans
l’orchestre symphonique. On le trouve entre autres chez Berlioz dans la
«symphonie fantastique» et «Harold en Italie», dans le concerto pour piano n°1
de Chopin, dans l’ouverture de «Guillaume Tell» de Rossini.
Rappelons que le cor anglais n’est pas un cor mais qu’il
appartient à la famille des hautbois. C’est un hautbois grave, accordé en fa, au
pavillon en forme de poire.
Le cor anglais a pris différentes formes : droit, courbé, en
angle mais à la fin du 19e siècle, il devient définitivement
droit, se confondant avec le hautbois moderne.
Le saxophone
Contrairement à ce que laisserait penser son aspect cuivré, le
saxophone n’appartient pas à la famille des cuivres mais à celle des bois. Il
est en effet équipé d’un bec à anche simple, comparable à celui de la clarinette. Il se
distingue de ce dernier instrument en particulier par sa perce conique au lieu
de cylindrique. Il a été inventé en 1846 par Adolphe Sax.
Le saxophone est un instrument transpositeur.
Il est le plus souvent accordé, selon sa taille, en mi ou si.
Le saxophone comprend 5 parties : le bec auquel est
fixée l’anche simple, le bocal, le corps (conique) muni de 19 à 22 clés selon
le système Boehm, la culasse et le pavillon.
La famille des saxophones d’Adolphe Sax comprenait les membres
suivants : le sopranino, le soprano, l'alto, le ténor, le baryton, la
basse et la contrebasse, dont les plus utilisés sont les suivants :
saxophone basse
en si
saxophone baryton
en mi
saxophone ténor
en si
saxophone alto
en mi
Saxophone soprano
en si
Le saxophone reste assez peu utilisé dans la musique classique du
19e siècle. On le trouve néanmoins chez Berlioz, Bizet, Delibes,
Massenet, Saint-Saëns … mais surtout dans la musique militaire.
Il sera beaucoup plus utilisé au 20e siècle avec
Milhaud, Ravel, Hindemith, Jacques Ibert, André Jolivet … ainsi que dans la
musique contemporaine, et surtout dans le jazz dont il devient un instrument
privilégié.
Instruments à vent : Les Cuivres
L’invention du piston
Comme on l’a vu précédemment (période
baroque), les cuivres sans piston n’émettent que les harmoniques naturelles
d’un son fondamental. L’harmonique jouée dépend de la pression de l’air fournie
par l’instrumentiste.
En modifiant la longueur du circuit d’air, on change de note
fondamentale et on obtient un nouveau jeu d’harmoniques, permettant ainsi de couvrir
tous les demi-tons de l’ambitus de l’instrument. C’est ce que l’on a essayé de
faire au 18e siècle par la
technique du bouchage, par l’utilisation de clés ou encore d’une coulisse.
La grande invention du XIXe pour la famille des cuivres
est le piston, qui permet de changer la note fondamentale avec précision, grâce
au réglage de la longueur du tuyau additionnel qui lui est associé.
Principe du piston.
Le piston, apparu sur un cor vers 1815, est adapté au cornet
à piston et à la trompette vers 1820 par Stölzel, puis mis au point par
Périnet en 1839.
Le cornet à piston
Le cornet à pistons est le premier instrument, après le cor, à bénéficier de l'invention des pistons en 1820.
Son tube conique lui donne un son plus doux que la trompette.
C’est un instrument soprano, généralement en si ou en la.
Les premiers cornets étaient munis de 2 pistons puis de 3.
Le cornet à pistons a été très vite employé dans la musique
classique, par Rossini, Berlioz dans sa symphonie fantastique, puis par Bizet
dans Carmen et Tchaïkovski dans le lac des cygnes.
La trompette
La trompette bénéficia elle aussi de l’invention des pistons vers
1820, lui permettant ainsi de jouer toutes les notes de la gamme.
La trompette moderne comprend une embouchure, un tube cylindrique,
3 pistons et un pavillon.
Les 3 pistons peuvent être actionnés séparément ou ensemble par 2
ou par 3.
Les trompettes les plus utilisées sont la trompette soprano en si,
la trompette en ut surtout utilisée dans les orchestres symphoniques et pour
certains concertos pour trompette, et la trompette piccolo en si surtout
utilisée dans le registre aigu, dit clarino, de la musique baroque.
D’autres trompettes (en mi, en sol, en ré …) existent
mais sont assez peu utilisées.
La trompette est le plus souvent équipée de pistons de type
« Périnet », mais on trouve
aussi des trompettes équipées de pistons rotatifs.
La sourdine
La note et le volume de la trompette peuvent aussi être modifiés
à l'aide d'une sourdine. La plus courante est la sourdine sèche utilisée en
musique classique, pour atténuer le son de la trompette. Elle en modifie
aussi quelque peu le timbre
Le barillet
Trompette à barillet
Le barillet permet, sur certains trompettes, d’en modifier
l’accord, passant par exemple de la tonalité de si à la tonalité
de do. Il comporte un bouton circulaire qui commande une valve qui commute 2
coulisses de longueurs différentes.
Le cor d’harmonie
Au 19e siècle, le cor, comme les autres cuivres,
devient chromatique en se voyant équiper de pistons.
Contrairement à ce que laisse supposer son nom anglais de
« French horn », le cor d’harmonie est de conception plus allemande
que française.
Le cor simple à 2 pistons a été inventé par Stölzel en
1815, puis Pierre-Joseph Meifred met au point le système à trois pistons qui
va révolutionner la pratique du cor. Le cor simple à 3 pistons peut être en
fa, en si ou en mi.
Le cor double, développé ensuite par Fritz Kruspe, combine
le cor en si et le cor en fa par
l’utilisation d’un 4e piston qui permet de déplacer l’accord général
d’une quarte (de fa à si).
Cor simple à 3 pistons
Cor double complet
Principe du piston rotatif
Pistons rotatifs actionnés par les palettes
C’est en Allemagne vers 1830 que fut inventé le piston rotatif.
qui équipe maintenant les cors utilisés dans la plupart des orchestres.
Le cor viennois est un cor simple en fa exclusivement
utilisé par l’orchestre philarmonique de Vienne, qui se distingue par ses
pistons (les pistons viennois) et son tube conique et plus étroit, ce qui en
rend le son plus proche du cor naturel.
L’ophicléide
Caricature de J.J. Grandville
montrant Berlioz dirigeant un monstrueux orchestre incluant un ophicléide
géant.
L’ophicléide (serpent à clé) comme son étymologie l’indique,
dérive de l’ancien serpent
que l’on a muni de clés. Il a été inventé en 1817 et a été utilisé à
l’église, ainsi que dans les fanfares et dans l’orchestre symphonique, en
particulier par Berlioz dans sa symphonie fantastique.
L’ophicléide, dont le timbre était très inégal dans sa gamme de
fréquences, a rapidement été remplacé par les tubas, beaucoup plus
performants.
Les saxhorns et les tubas
Les premiers tubas ont été construits par JG Moritz en 1835, et
par W. Schuster dans les années 1830 également.
C’est en partant de ces premiers tubas qu’Adolphe Sax développe en
1845 une nouvelle famille d’instruments appelés les saxhorns. Cette famille
comprend 7 tailles d’instruments, du soprano à la contrebasse. Ils étaient
surtout utilisés dans la musique militaire.
Les familles des tubas et des saxhorns sont intimement
liées :
Les saxhorns contrebasse deviennent les tubas basse.
Le terme simple de saxhorn désigne alors le saxhorn basse
en si. L’Euphonium, ou Tuba ténor, est une évolution de
ce dernier.
Le terme simple de baryton désigne quant à lui le saxhorn
baryton.
La famille des saxhorns et des tubas
SAXHORNS
TUBAS
Bugle mi
(soprano)
Bugle si
(contralto)
Alto mi
Saxhorn baryton
(baryton)
Saxhorn basse en si (saxhorn) =>
Tuba ténor en
si, ou euphonium
Tuba en ut à 6
pistons « français »
Saxhorn contrebasse en mi =>
Tuba basse en
mi
Saxhorn contrebasse en si=>
Tuba basse en
si
Tuba basse en
fa
Tuba
contrebasse en ut ou en si
Sousaphone
Hélicon.
Les tubas, comme les saxhorns, sont de perce conique. Leur
timbre est plus doux que celui des trompettes et des trombones, comme le montre
la vidéo suivante :
Joueurs de sousaphone
Les principaux tubas utilisés aujourd’hui sont :
- le tuba ténor en si, ou euphonium très
proche du saxhorn basse, qui est surtout utilisé dans les orchestres
d’harmonie.
- le tuba basse en si, dérivé du saxhorn contrebasse,
surtout utilisé dans l’orchestre symphonique.
- le tuba contrebasse en ut ou en si.
La famille des tubas comprend également le sousaphone et l'hélicon
principalement utilisés dans les fanfares d’harmonie.
Tuba basse en fa de 1850
(musée tchèque de la musique)
Tuba ténor, ou Euphonium, de 1890
Tuba contrebasse
De la fin du 19e siècle.
(musée de la musique Paris)
Hélicon, ou bugle contrebasse
De la fin du 19e siècle.
(musée tchèque de la musique)
Le Tuba wagnérien
Le tuba wagnérien est un cor double à pistons en fa/si, enroulé à la manière
d’un tuba, ou encore : un tuba ténor avec une embouchure de cor.
Il a été conçu par Adolphe Sax en 1876 à la demande de Richard
Wagner pour être utilisé dans sa tétralogie.
Le tuba wagnérien a également été utilisé par la suite par
d’autres compositeurs dont Richard Strauss, Schönberg et Stravinsky.
Instruments à cordes
La famille des violons
Au 19e siècle, violons, altos, violoncelles et
contrebasses restent les instruments vedettes de la musique symphonique et de
la musique de chambre.
De nouveaux instruments à cordes apparaissent à cette époque mais
resteront très confidentiels.
L’Arpeggione
L’arpeggione, inventé en 1823 par J.G. Staufer à Vienne, est un
instrument combinant :
-du violoncelle : la dimension et l’usage de l’archet
-de la guitare : l’aspect, les 6 cordes accordées mi, la, ré,
sol, si, mi, et les frettes du manche.
Nicolas Deletaille et son arpeggione.
L’arpeggione ne comporte pas de pointe de sorte qu’il doit être
maintenu entre les jambes pour être joué. Les cordes sont disposées en cercle
comme sur le violoncelle, pour pouvoir jouer une seule ou deux notes à la
fois avec l’archet.
L'ambitus de l'arpeggione est proche de celui du violoncelle (de
mi 1 à mi 5 sur 4 octaves) de sorte que les rares œuvres écrites pour
arpeggione sont le plus souvent jouées au violoncelle.
La plus connue (pour ne pas dire la seule connue) de ces œuvres
est la très belle sonate écrite par Schubert pour cet instrument, la sonate D.
821 pour arpeggione et piano. La voici interprétée sur arpeggione par Nicolas
Deletaille, accompagné au pianoforte par Alain Roudier :
1er mouvement :
2e et 3e mouvements
L'octobasse
Thierry Barbé à l’octobasse.
L’octobasse a été créée en 1849 par J.B. Vuillaume. C’est une
contrebasse à 3 cordes accordée une octave au-dessous de la contrebasse
normale, et qui mesure entre 3 et 4 m de haut.
Elle est équipée d’un système de leviers qui actionnent des
«doigts» métalliques placés sur les cordes au niveau du manche.
Jusqu’au 17e siècle, la harpe est un instrument
diatonique. Son évolution en un instrument chromatique se fait en 2
temps :
Mécanisme à crochets
1)18e
siècle : Système à simple mouvement.
En 1720, J.Hochbrucker met au
point un système de crochets actionnés mécaniquement par des pédales, permettant
de raccourcir les cordes pour obtenir le demi-ton supérieur.
Vers 1780 : G.Cousineau remplace
les crochets par des béquilles remplissant le même rôle en pinçant la corde
sans décaler les cordes du plan principal. (ce qui était le cas avec les crochets),
mais les béquilles cassent facilement les boyaux, et en 1799, il remplace les
béquilles par des chevilles tournantes.
2)19e siècle :
Système à double mouvement.
En 1794, Sébastien Erard met au point
une mécanique fondée sur des fourchettes, puis
en 1811, il met au point le double mouvement, qui permet à chaque corde de subir
deux altérations, et
donc de jouer trois hauteurs : bémol si la pédale est relâchée, bécarre si
elle est bloquée sur le cran du milieu, et dièse si elle est enfoncée.
Mécanisme à fourchettes à double mouvement
Détail des fourchettes
Lorsqu’on enfonce la pédale à mi-course,, tous les disques
supérieurs associés à cette pédale tournent et raccourcissent la partie
vibrante, augmentant la note d’un demi-ton (bémol à bécarre). Lorsque la pédale est enfoncée à fond, les
disques inférieurs viennent raccourcir encore la corde, augmentant la note
d’un demi-ton supplémentaire (bécarre à dièse).
Harpe de Sébastien Erard, vers 1815-1826
(Musée tchèque de la musique-Prague)
A la fin du 19e siècle, la société Pleyel créa une harpe
chromatique sans pédale comportant 78 cordes en deux plans croisés :
un plan de cordes pour les bécarres, un plan pour les bémols et dièses. Mais
elle n’arriva pas à s’imposer et c’est la harpe à pédales basée sur le système
Erard qui est utilisée aujourd’hui.
Celle-ci comporte 47 cordes accordées sur l’échelle de do bémol
majeur (soit un ambitus de plus de 6 octaves) et 7 pédales correspondant aux
7 degrés altérables de la gamme.
Ces perfectionnements ont permis à la harpe de s’intégrer plus
facilement à l’orchestre symphonique, en particulier avec Berlioz, puis
Wagner, Tchaïkovski et Mahler, ainsi que dans l’opéra romantique.
Elle aura beaucoup de succès au 20e siècle avec
Debussy, Ravel et Roussel.
Instruments à clavier
Le piano
Piano Erard de 1833
Au 19e siècle, le piano connait des évolutions
importantes qui vont permettre aux compositeurs romantiques de donner le
meilleur d’eux-mêmes pour cet instrument.
Deux noms ressortent principalement dans cette évolution :
Sébastien Erard (que nous avons déjà rencontré à propos de la harpe) et Henri
Pape.
L’évolution la plus importante est sans doute la mécanique à
double échappement (ou à répétition) qui permet la répétition rapide
d’une même note. Ce système, mis au point en 1822 par Sébastien Erard,
améliore également le toucher, permettant ainsi de mieux contrôler le jeu
pianistique et d’augmenter la virtuosité. Cette mécanique sera améliorée et
breveté par son neveu Pierre Erard en 1833, et équipera progressivement tous
les pianos à queue jusqu’à nos jours.
Principe
du double échappement
La mécanique à double échappement fait intervenir un levier de
répétition (5) associé à un ressort (6). Celui-ci pousse le marteau (3)
vers le haut par le levier de répétition et le levier d’échappement (4) vers
le bas.
Après avoir joué une note en enfonçant la touche(1), le marteau (3)
est tenu par l’attrape (2).
Dès que l’on relâche la touche (1), le marteau (3) se libérant
de l'attrape (2) est aussitôt replacé par l’action du ressort (6) et du
levier de répétition (5) au-dessus du levier d'échappement (4), permettant
de rejouer la note avant que l’on ait relâché entièrement la touche (1).
Ainsi, il suffit de relever la touche de deux millimètres pour permettre à
une nouvelle note d’être jouée.
Par ailleurs, Sébastien Erard a créé en 1810 le pédalier du piano
à queue toujours présent sur les pianos modernes. Ce pédalier comprend 2
pédales :
-La pédale de gauche dite douce ou « una corda», qui déplace
l’ensemble des marteaux de manière que 2 cordes par note au lieu de 3 soient
jouées.
-La pédale de droite dite forte qui maintient tous les
étouffoirs soulevés, laissant les cordes vibrer librement.
Sur certains pianos modernes, on trouve une 3e
pédale au milieu, dite tonale ou sostenuto, qui permet de maintenir relevés les
étouffoirs des notes jouées, et seulement celles là.
Sur les pianos droits, la pédale douce ne déplace pas les marteaux
mais les rapproche des cordes de manière à diminuer la vitesse de frappe.
Henri Pape, facteur allemand installé à Paris, apporte de
son côté de nombreuses améliorations :
Les cordes filées équipant les notes les plus
graves du piano.
Feutre « Henri Pape » en poil de lapin
d’un piano Pleyel de 1845.
-En 1813, il utilise des cordes filées de cuivre.
-En 1826, il introduit l’emploi de feutre pour recouvrir les
têtes des marteaux.
-En 1827, il utilise des cordes en acier trempé permettant une
plus grande force de traction.
-En 1828, il invente le système des cordes croisées qui améliore
la stabilité mais surtout le son car cela permet un meilleur positionnement des
chevalets sur la table d'harmonie.
-En 1844, il construit le premier piano à queue à huit octaves.
Par ailleurs, le
cadre en fonte est breveté aux États-Unis par Alpheus Babcock en 1825 et sera
adopté en France par PLEYEL. En 1866, Carl RÖNISCH développe le premier
cadre en fonte blindé complet à cinq brides qui est le cadre de référence
utilisé aujourd’hui dans la fabrication des pianos à queue.
Toutes ces améliorations résultent souvent d’une étroite
collaboration entre les facteurs de piano et les compositeurs. Ainsi, en 1803 Beethoven
se voit offrir un piano par Sébastien Erard, à qui il suggèrera des modifications.
Liszt quant à lui commande ses instruments à Erard et Chopin travaille avec
Pleyel.
L’harmonium
Harmonium Alexandre & fils -1844-1855
L’harmonium a été inventé en 1842 par Alexandre-François Debain,
en s’appuyant sur l'orgue-expressif à anche libre inventé par Gabriel Joseph
Grenié en début de siècle.
L’harmonium s’apparente à l’orgue du fait que c’est un
instrument à clavier avec soufflerie, muni de différents registres. Sa
principale spécificité est l’utilisation d’anches libres.
Anche libre
Les tuyaux de l’orgue sont remplacés par des anches libres : L’anche
libre, contrairement à l’anche de l’orgue à tuyaux, peut vibrer de part et
d’autre de son axe avec une amplitude variable, permettant ainsi une
expressivité, du piano au forte. C’est le type d’anche que l’on trouve
également dans l’harmonica et l’accordéon.
Anche libre
La hauteur du son dépend essentiellement de la longueur de la
lame, la rondeur du son dépendant de sa largeur.
Soufflerie
La réserve d’air de la soufflerie est alimentée par une pompe à
pied. Un mode « expression » permet d’alimenter directement les tuyaux
par la pompe à pied sans passer par la réserve d’air, permettant ainsi
d’utiliser l’expressivité des anches libres (c'est-à-dire de jouer plus ou
moins fort en fonction de la production d’air au pied).
Jeux et Registres
Un sommier équipé de ses jeux d’anches.
En jouant sur les 2 paramètres longueur et largeur de la lame
des anches, on peut définir différentes sonorités et donc différents jeux.
Un jeu est un ensemble d’anches associées à toutes les notes du
clavier.
En fait le clavier est généralement séparé en 2 parties,
« basses » et « dessus ». Dans l’harmonium traditionnel,
à chacune de ces parties sont associés 4 demi-jeux, plus un demi-jeu dans le
dessus appelé « Voix céleste ».
Les jeux d’anches sont alimentés séparément en air par
l’intermédiaire de soupapes commandées par des tirettes appelées registres. Un
registre peut ainsi alimenter un jeu d'anches ou une combinaison de jeux d’anches,
multipliant les possibilités de sonorités de l’instrument.
L’harmonium a été produit en grande quantité au 19e
siècle, particulièrement pour équiper les églises qui n’avaient pas les moyens
de s’offrir un orgue.
Mais des compositeurs du 19e siècle tels que Berlioz,
Bizet, Dvorak ou César Franck ont aussi écrit des œuvres pour harmonium. On le
trouvera également intégré dans l’orchestre au 20e siècle chez
Honegger dans « Le roi David », chez Richard Strauss dans
« Ariane à Naxos », chez Tchaïkovski dans la symphonie « Manfred »
ou chez Gustav Mahler dans la 8e symphonie.
Au milieu du 20e siècle, l’harmonium tend à tomber en
désuétude, pour être remplacé par les orgues électroniques.
Pendant la période classique, l'orgue va quasiment disparaître du
registre musical au profit de l'orchestre symphonique. Il renait avec le
romantisme, et des compositeurs tels que César Franck et Félix Mendelssohn Bartholdy.
Au 19e siècle, l’orgue romantique, puis symphonique, est
principalement l’œuvre des Walker en Allemagne, de Joseph Merklin en
France, qui intégra l'électricité à ses orgues avec son système
électropneumatique, et surtout du plus célèbre facteur d’orgue de tous les
temps, considéré comme le Stradivarius de l’orgue, Aristide
Cavaillé-Coll (1811-1899).
Ces facteurs
repensèrent l’orgue en fonction de la nouvelle esthétique orchestrale.
Joseph Merklin a été le principal et plus direct concurrent
d'Aristide Cavaillé-Coll. Vers la fin de sa carrière, Joseph Merklin s'est
définitivement démarqué de son concurrent en intégrant l'électricité à ses
orgues, avec le système électropneumatique "Schmoele & Mols"
dont il était le concessionnaire exclusif en France.
Aristide Cavaillé-Coll est issu d’une famille de facteurs d’orgue, par
son grand-père Jean-Pierre Cavaillé et son père Dominique
Cavaillé-Coll, qui travaillèrent dans le sud de la France et en Espagne.
En 1833, il s'installa à Paris pour réaliser un petit orgue pour
la représentation d’un opéra de Rossini.
C’est cette même année qu’il remporta un appel d’offre
pour doter la Basilique Saint-Denis de grandes orgues. Il commença alors à
construire un orgue totalement révolutionnaire pour l’époque et qui reprenait
toutes les dernières innovations de son temps.
Parmi les modifications d’ordre
mécanique adoptées ou mises au point par Cavaillé-Coll, citons :
La pédale de tirasse permettant de jouer avec la pédale
les notes d’un ou de plusieurs claviers accouplés.
Les boîtes expressives : Ce sont des caissons munis
d’un ensemble de volets mobiles qui peuvent être commandés de la console,
permettant de modifier le volume du son.
L’amélioration de l’alimentation en air pour différencier
les pressions selon les besoins.
Le pédalier à l’allemande, aux touches plus longues que le
pédalier à la française, permettant ainsi de jouer avec les pointes et les
talons.
La machine Barker permettant, par assistance pneumatique, d’alléger
la dureté du clavier sur les orgues de grande taille et vaincre ainsi la
résistance des claviers accouplés.
Le principe de la machine Barker est le suivant :
Chaque touche de chaque clavier est associée à un levier pneumatique commandant une soupape du sommier.
Une faible pression sur la touche du clavier suffit à commander les valves d’entrée 1 et de sortie 2.
La valve 2 ferme la sortie du compartiment du levier pneumatique 3, qui se gonfle sous
la pression de l’air admis par la valve 1, et transmet ainsi la commande au sommier.
Le principal inconvénient de la machine Barker est son temps de réponse lié au temps de
gonflage et surtout de dégonflage du levier pneumatique après relâchement de la
touche, du fait que la valve de sortie 2 doit être assez petite pour être
commandée sans effort par le clavier.
Eléments constitutifs de l’orgue
Ces modifications permettent plus de virtuosité, et de passer
insensiblement du pianissimo (bourdon de récit, boîte expressive fermée) au
tutti, tous claviers accouplés, répondant ainsi à l’attente des compositeurs
romantiques.
Cavaillé-Coll apporte également un certains nombre de
modifications au niveau de l’harmonie :
-il introduit la famille des jeux dits « gambés » qui,
plus étroits que les autres, donnent l'impression d'un jeu de cordes, et
multiplient l'emploi des harmoniques.
-Il introduit également des jeux « harmoniques » tels
que les flûtes harmoniques, les trompettes harmoniques.
Les tuyaux de flûte harmonique et de trompette harmonique ont des
longueurs doubles de la normale. C’est un petit trou pratiqué à mi-hauteur dans
le tuyau qui permet de remonter la note une octave plus haut. Ainsi, une flûte
harmonique (dite aussi octaviante) de 4' a des tuyaux de même hauteur que les
8' ouverts. Elle attaque comme un 8', puis tient sa note en 4', ce qui donne
une clarté toute spéciale au son.
La technique de l’entaille qui se généralise, permet d’accorder
les tuyaux qui n’ont dès lors plus besoin d’être coupés à une longueur précise,
mais aussi d’en modifier le timbre. Elle permet ainsi à l’harmoniste, en
réglant les proportions de l’entaille, de créer de nouveaux timbres.
De même pour les bourdons, qui sont des tuyaux fermés, l’accord
s’effectue en faisant coulisser la « calotte », c'est-à-dire la
partie bouchon du tuyau.
La 2e moitié du 19e siècle vit aussi
l’introduction de la transmission électrique du clavier au sommier, et de
ventilateurs électriques pour l’alimentation en air.
Les premiers grands compositeurs romantiques pour l’orgue sont
Félix Mendelssohn (1809-1847) et Franz Liszt (1811-1886), mais le plus grand
représentant de l’orgue romantique orchestral est sans conteste César Franck
(1822-1890).
Brahms a également écrit quelques œuvres pour orgue. Parmi les
autres grands compositeurs d’orgue du 19e siècle, on trouve Léon
Boëllmann (1862-1897), Marc Reger (1873-1916), Camille Saint-Saëns (1835-1921),
Charles-Marie Widor (1844-1937), Louis Vierne (1870-1937), Charles Tournemire
(1870-1939).