La musique russe du 20e
siècle est intimement liée à l’histoire de l’URSS, dont les dates marquantes
sont :
Prokofiev, Chostakovitch et Khatchatourian
1917 : La
révolution d'octobre
1917-1927 : La période léniniste
1927-1953 : La période staliniste
1953-1989 : L’après
stalinisme
Igor Stravinsky (1882-1971) et
Dimitri Chostakovitch (1906-1975) sont les figures les plus
emblématiques de cette période : L'un a quitté la Russie dès 1914 pour
ne plus jamais s'y établir, l'autre a choisi d’y rester quoi qu'il
arrive, tout en résistant tant bien que mal au diktat du régime.
Serge Prokofiev quitte la Russie
en 1918 mais, attiré par les promesses que lui fait le gouvernement, il y
revient 15 ans plus tard en 1933.
Aram Khatchatourian quant à lui
s'impose comme l'un des compositeurs « officiels » de l'Union
soviétique.
Après la révolution de 1917, l’art doit
contribuer à changer la société. Pour éduquer les masses populaires, la musique
doit respecter les normes idéologiques du régime. Elle ne doit pas être
formaliste, telle la musique « décadente bourgeoise » occidentale,
mais elle doit respecter le caractère populaire et rester mélodique.
Ainsi, de grands compositeurs qui ont fui leur pays, comme Rachmaninov ou Stravinsky,
sont mis à l’index.
En 1932, Staline dissout l'Association
pour la musique contemporaine (AMC) et l'Association
russe pour la musique prolétarienne (ARMP) toutes deux
fondées en 1923, pour créer « l’Union des compositeurs soviétiques ».
Celle-ci exercera une véritable censure et sera seule juge de « l’acceptabilité »
des œuvres. Chostakovitch et Prokofiev sont ainsi régulièrement accusés de
formalisme, tandis que d'autres compositeurs, tels Khatchatourian ou
Kabalevski, sont encensés par le régime.
L’ARMP
L’ « Association Russe
des Musiciens Prolétaires » a été fondée en 1923, un an avant la mort de
Lénine.
Pour l’ARMP, la musique doit
avant tout répondre aux exigences de l'idéologie communiste. Elle doit servir
l'éducation du prolétariat en étant simple et comprise par tous, en utilisant
de préférence des thèmes nationaux.
L’AMC
L'
« Association pour la musique contemporaine » a été fondée la même
année que l'ARMP, mais avec une idéologie totalement opposée.
L’AMC
avait pour objet de promouvoir l'innovation, l'expérimentation musicale ainsi
que les échanges autour de la création musicale contemporaine avec les pays
occidentaux.
Après la mort de Staline en 1953, les
compositeurs russes commencent à respirer. Certaines œuvres, confidentielles
jusqu’alors, peuvent être diffusées de par le monde grâce à de grands
interprètes tels que Sviatoslav Richter (piano), David Oïstrakh (violon) et
Mstislav Rostropovitch (violoncelle).
Une nouvelle génération de compositeurs
russes peut alors s’exprimer plus librement, tels Alfred Schnittke (1934-1998),
Edison Denisov (1929-1996), Sofia Goubaïdoulina (1931- ), Rodion Shchedrine
(1932- ), Arvo Pärt (1935- ) …
Igor
Stravinsky (1882-1971)
Stravinsky par Picasso
Igor Stravinsky nait en Russie le 17
juin 1882 à Oranienbaum, près de Saint-Pétersbourg, d’un père chanteur à
l’opéra et d’une mère pianiste.
En 1901 il entre à la faculté de
droit mais s’intéresse plus à la musique qu’à ses études classiques.
Stravinsky avec Rimski-Korsakov
En 1902,
il rencontre Rimski-Korsakov avec qui il étudiera l’écriture musicale de 1903
jusqu’à la mort de ce dernier en 1908.
En 1906, il épouse sa cousine
Catherine Gavrilona Nossenko avec qui il a 4 enfants.
Lors de son apprentissage avec
Rimski-Korsakov, il compose sa première
symphonie en 1906, puis « Feu
d’artifice » en 1908, à l’occasion du mariage de la fille de
Rimski-Korsakov. C’est lors de la création de cette dernière œuvre qu’il fait
la connaissance de Diaghilev, rencontre qui marque le début d’une amitié et d’une collaboration qui durera près
de 30 ans.
1908-1918 : La période russe
En 1908, alors
qu’il travaille sur « Le Rossignol », conte lyrique d’après Andersen,
Diaghilev confie à Stravinsky l’orchestration d’œuvres de Chopin pour le ballet
« Les Sylphides », qui est mis en scène pour la première fois par les
Ballets Russes à Paris en 1909.
Il lui propose ensuite d’écrire la
musique du ballet
,
qui, créé à Paris le 25 juin 1910, remporte un
immense succès et lui assure la célébrité.
Diaghilev et Stravinsky.
En 1911, il écrit un second ballet
pour la compagnie de Diaghilev,
,
très différent du goût oriental de « L’Oiseau de feu », abandonnant
le style postromantique proche de Rimski-Korsakov au profit de la
polytonalité et de la polyrythmie.
Puis, toujours pour les Ballets
Russes de Diaghilev, c’est
,
qui crée un énorme scandale lors de sa
création au théâtre des champs Elysées à Paris, le 29 mai 1913. Le public
n’était en effet pas préparé à de tels rythmes et dissonances, associés à une
instrumentation où les instruments à vents prédominent sur les cordes.
Il n’était pas préparé non plus à la chorégraphie
de Nijinski, très éloignée des codes de la danse classique, mettant en scène un
rite païen célébrant l’arrivée du printemps en Russie, et au cours duquel une
jeune adolescente est cruellement sacrifiée pour remercier les dieux.
Cette œuvre, considérée aujourd’hui comme
une des œuvres les plus importantes du 20e siècle, a inspiré
depuis, de nombreux chorégraphes tels que Maurice Béjart, Pina Bausch, Angelin
Preljocaj, Martha Graham ...
En 1914, les frontières se ferment.
Stravinsky s’installe en Suisse où il est contraint de rester pendant toute la
guerre. Suite à la révolution de 1917, Stravinsky ne retournera plus en Russie jusqu’en 1962, mais alors en tant que citoyen américain, citoyenneté qu’il aura obtenue en 1945.
Entre 1914 et 1917, Stravinsky compose
un nouveau groupe de ballets, utilisant des ensembles instrumentaux réduits
auxquels s’ajoutent des voix extra-scéniques. C’est le cas de « Renard »
(1916), histoire burlesque chantée et jouée, de « Les Noces » (1917,
instrumenté en 1923), ballet avec chants, relatant un mariage paysan russe, et
de
(1918), spectacle ambulant pour 3 récitants et sept instrumentistes.
En 1917, Stravinsky passe quelques
temps à Rome entouré de Diaghilev, Cocteau, Massine, et Picasso qui fera de lui
de célèbres portraits.
1918-1950 : La période
néo-classique
En
1920, Stravinsky s’installe à Paris. Privé de ses biens par la révolution
russe, il se produit comme pianiste et chef d’orchestre pour gagner sa vie.
Cette
même année il crée
,
sur des thèmes de Pergolèse, avec des décors de Picasso et une chorégraphie de
Messine. Cette œuvre marque le début de sa période dite néo-classique, au cours
de laquelle il revient aux formes anciennes et s’inspire des compositeurs du
passé.
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De
1921 à 1924, il séjourne à Biarritz où il compose « Mavra », opéra bouffe
d'après Pouchkine, puis s’installe avec sa famille à Nice. C’est là qu’il
compose l'opéra-oratorio « Œdipus
Rex » (1928), le ballet « Apollon musagète » (1928) et « La
symphonie des psaumes » (1930).
En 1934, il obtient la nationalité
française.
En 1935, il publie « Les
chroniques de ma vie », livre de réflexions autobiographiques sur sa
carrière, ses opinions et sa musique. En 1942, il publiera un second livre « Poétique
musicale », regroupant six conférences données à l'université de Harvard.
En 1939, Stravinsky gagne les
Etats-Unis. Il obtient la nationalité américaine en 1945 et s’installe à
Hollywood où il compose son opéra « The Rake’s progress » (la
Carrière d'un libertin) en 1948.
Après 1950 : La période sérialiste
L’influence grandissante de la seconde école de Vienne (Schönberg,
Berg, Webern) amène Stravinsky à explorer les possibilités de la musique
sérielle, plus dans la lignée de Webern que de Schönberg.
« In memoriam Dylan Thomas » (1954), le « Canticum
sacrum » (1956) et le ballet « Agon » (1957) marquent cette
période de renouvellement.
Ses dernières œuvres, hantées par la mort, sont de plus en plus d’inspiration
religieuse funèbre, telles les Variations « Aldous Huxley in memoriam »
pour orchestre (1963) ou le « Requiem Canticles » (1966).
Stravinsky meurt à New York le 6 avril 1971, et est enterré, selon
ses vœux à Venise.
Les principales œuvres de Stravinsky
La période russe :
L'Oiseau
de feu (1910), ballet d'après un conte de fées russe.
Petrouchka
(1911), scènes burlesques en quatre tableaux.
Auteur d'une œuvre tourmentée, Dimitri
Chostakovitch est considéré comme le « Beethoven du XXe siècle ».
Victime de nombreuses pressions portées
sur lui par le régime stalinien, il a su néanmoins concilier les contraintes
d’un régime totalitaire avec la création d’une œuvre personnelle.
Dimitri Chostakovitch nait le 25
septembre 1906 à Saint-Pétersbourg, d’un père ingénieur chimiste et d’une
mère pianiste professionnelle dont il reçoit ses premières leçons de piano à
l’âge de 9 ans. En 1919, il entre au conservatoire de Petrograd, dirigé
alors par Alexandre Glazounov. Il compose dès l’âge de 14 ans.
Son père meurt en 1922, laissant la
famille dans la misère, mais il peut poursuivre ses études grâce un poste d’accompagnateur
de films muets et grâce à l’appui de Glazounov qui lui obtient une bourse de
la fondation Borodine.
En 1923, il compose son premier trio
avec piano puis en 1925, sa
qui lui apporte une renommée internationale.
La période stalinienne (1927-1953)
Chostakovitch doit s’accommoder de la
ligne dictée par le régime, sans renier ses propres aspirations de compositeur
d’avant-garde, ce qui génère chez lui une angoisse permanente.
En 1927, sur commande du gouvernement,
il compose sa 2e symphonie, « Octobre », puis sa 3e
symphonie « » Premier mai » en 1929.
.
Cette même année 1929, il compose un
opéra, « Le Nez » d’après Gogol, violente satire contre toutes les
formes de bureaucratie. Créé à Leningrad en 1930, l’opéra, victime de la
censure, est retiré de l'affiche après seize représentations, et restera
interdit pendant quarante ans avant de connaître une renaissance triomphale à
Moscou en 1974.
En 1932, il compose
,
considéré aujourd’hui comme le premier opéra soviétique majeur.
Créé en 1934, cet opéra remporte un
franc succès pendant 2 ans, jusqu’à ce jour de 1936 où Staline assiste à une
représentation. Deux jours après, la Pravda - organe officiel du parti et du
gouvernement - publie un article probablement dicté par Staline, sous le
titre « Le chaos remplace la musique », traitant la musique de « Lady
Macbeth » de « galimatias musical au formalisme pernicieux ». L’opéra
est désormais censuré et disparait des théâtres soviétiques pendant près de
30 ans.
Cette année 1936 est l’année des
grandes purges staliniennes. Dès lors, Chostakovitch, objet de condamnations
officielles par l' « Union des compositeurs soviétiques », vit dans
la crainte de la déportation. C’est ainsi que sa symphonie n°4, composée en
1935-1936, d’un style proche de celui de « Lady Macbeth de Mzensk » se
voit retirée lors de ses répétitions et ne sera créée que dans les années 1960.
En 1937, il fait « amende
honorable » avec sa
,
de conception plus classique, qu’il sous-titre « réponse créative d'un
artiste soviétique à de justes critiques », symphonie que le régime
soviétique considèrera comme un retour du compositeur dans le « droit
chemin », mais dans laquelle certains voient une satire du régime stalinien
œuvrant à casser l’optimisme naturel du peuple. Elle est considérée par
beaucoup comme le chef-d'œuvre symphonique de Chostakovitch.
C’est alors qu’il se lie d'amitié avec
le jeune chef Evgueni Mravinski, qui sera le créateur de 5 autres symphonies.
Chostakovitch joue au piano
un extrait de sa 7e symphonie (1941)
De 1939 à 1941 il est professeur de
composition au Conservatoire de Leningrad.
En 1941, lors du siège de Leningrad,
il compose l’une de ses plus fameuses symphonies, la
,
qui lui vaut rapidement une célébrité mondiale et devient l’emblème musical
de l’opposition au nazisme.
La
,
composée en 1943, rend hommage aux morts de la guerre et d’une manière plus dissimulée, aux victimes du stalinisme.
En 1943, il s'installe à Moscou où il enseigne
la composition jusqu'en 1948.
En 1944, il compose un chef-d'œuvre de
la musique de chambre, le
.
En 1945, il compose sa symphonie n°9
qui, contre toute attente, ne dure qu’une demi-heure et n’utilise qu'un
petit orchestre classique. On attendait en effet, une symphonie grandiose, dans
la veine des 7e et 8e qui l’ont précédée, mais
Chostakovitch a préféré célébrer la paix revenue plutôt que la gloire de
Staline, au grand dam de ce dernier.
En 1948, Andreï Jdanov, commissaire du
peuple à la Culture, lance une nouvelle vague de dénigrement et de menaces
contre des artistes jugés esthétiquement trop déviants, parmi lesquels on
compte Prokofiev, Miaskovsky, Khatchatourian, et
Chostakovitch contraint à nouveau de s’amender, en 1949, avec une cantate
patriotique « Le Chant des forêts ». Son
,
composé en 1947, attendra jusqu’en 1955 avant d’être créé.
En 1951, dans le cadre de la
célébration du bicentenaire de la mort de Bach, il compose un cycle de 24
préludes et fugues.
L’après stalinisme (1953-1975)
En 1953, année de la mort de Staline et
de Prokofiev, il compose la Symphonie n°10 dont le violent second
mouvement serait une évocation de Staline. Cinq autres symphonies suivront,
jusqu’en 1971.
Entre 1956 et 1959, la « Suite
pour orchestre de variété » rassemble une compilation d'arrangements
de pièces antérieures dont on connait la célèbre
utilisée dans un film publicitaire. Cette suite a longtemps été confondue avec
la « Suite
n°2 pour orchestre de jazz » composée, elle, en 1938.
Les principales autres œuvres de
Chostakovitch, après 1956, sont ses quatuors à cordes n°6 à 15, son concerto
pour piano n°2 (1957), ses concertos pour violoncelle n°1 (1959) dédié à
Mstislav Rostropovitch, et n°2 (1966), le concerto pour violon n°2 (1967).
Chostakovitch meurt à Moscou le 9 août
1975 à la suite de plusieurs attaques cardiaques.
Testimony : Une biographie cinématographique de D.
Chostakovitch.
Ce film de Tony Palmer de 1987, a été réalisé à partir du
livre publié en 1979 par Solomon Volkov, présenté comme les mémoires de
Dimitri Chostakovitch.
Les principales œuvres de Chostakovitch
Les principales œuvres de Chostakovitch comprennent de la musique
de chambre dont 15 quatuors à cordes, 2 concertos pour piano, 2 concertos pour
violon, 2 concertos pour violoncelle, 15 symphonies, 2 Suites pour orchestre de
jazz, 3 ballets, 5 opéras.
On trouvera une biographie et le catalogue des œuvres de Chostakovitch sur
Ressources-IRCAM.
Serge
Prokofiev (1891-1953)
Sergueï Prokofiev est né le 23 avril
1891 à Sontsovka (Ukraine).
Il prend ses premières leçons de
piano avec sa mère, pianiste, et compose déjà, à l’âge de neuf ans, un opéra
destiné aux enfants, « Le
Géant ».
En 1904, à l’âge de 13 ans, il entre au
Conservatoire de Saint-Pétersbourg où il prend des cours d’orchestration avec
Rimski-Korsakov. Il y fait la connaissance de Nikolaï Miaskovsky, de 10 ans
son aîné, qui restera toute sa vie son plus proche ami.
En 1913, son 2e concerto
pour piano, atteignant les limites des possibilités physiques du soliste,
provoque un scandale mémorable.
En 1914, il remporte le premier prix du
concours Anton Rubinstein pour son Concerto pour piano n°1, écrit en 1911.
Cette même année 1914, il compose la « Suite
scythe », inspirée de l’ancien culte russe du Soleil, œuvre que l’on peut
situer dans la continuité du « Sacre du Printemps » de Stravinsky.
Au moment de la Révolution russe en 1917,
Prokofiev choisit l’exil. En 1918, il part aux Etats-Unis où il compose son opéra
« L’amour des trois oranges », représenté en 1921 à Chicago, et dont la
fameuse marche a obtenu un succès mondial.
En 1922, Prokofiev s'installe à Ettal
dans les Alpes bavaroises, pour écrire son nouvel opéra, « L’Ange de
feu », qu’il ne terminera qu’en 1927.
En 1923, il s’installe à Paris. Il
coopère avec les Ballets russes de Diaghilev avec le ballet « Pas
d’Acier », créé en Russie en 1925, puis « Le Fils prodigue » en
1928.
En 1931, il écrit le Concerto pour
piano n° 4 (pour la main gauche), à l’intention du pianiste Paul Wittgenstein
qui ne comprend pas l’œuvre et refuse de la jouer.
Après quelques séjours dans son pays
natal, attiré par les promesses que lui fait le gouvernement, il se laisse
convaincre d’y retourner définitivement en 1933.
Sur une commande du « Théâtre
central des Enfants », il compose en 1936 le conte musical pédagogique « Pierre
et le loup » tout en travaillant sur le ballet « Roméo et Juliette »
qui sera créé à Brno en 1938. (Roméo et Juliette :
).
Pierre et le loup
Alexandre Nevski : extraits du film d'Eisenstein
En 1938, il collabore avec le
réalisateur Eisenstein pour qui il compose les musiques des films « Alexandre
Nevski » et « Ivan le Terrible » (1942).
En 1941, il commence à travailler sur
son opéra « Guerre et Paix » d'après Tolstoï, opéra auquel il
travaillera jusqu'à la fin de sa vie.
En 1945, sa « Symphonie no 5 »,
qui marque la victoire de la Russie sur l’Allemagne, remporte un vif
succès et lui fait obtenir le second Prix de l’ordre de Staline. Cette même
année voit la création au Bolchoï de son ballet « Cendrillon ».
En 1947, il est nommé « Artiste du
peuple de la République socialiste fédérative soviétique de Russie », ce
qui ne l’empêche pas d’être condamné l’année suivante, avec Miaskovsky,
Khatchatourian et Chostakovitch, par le commissaire du peuple à la Culture Andreï
Jdanov, qui leur reproche leur formalisme antipopulaire. Il se rachètera aux
yeux du régime en 1950 avec son oratorio « La Garde de la Paix » pour
lequel il obtiendra le Prix Staline.
Parmi ses dernières œuvres importantes,
citons la « sonate pour piano et violoncelle » écrite pour
Rostropovitch et Richter, la 7e symphonie, et le ballet « La
Fleur de pierre »
Prokofiev meurt le 5 mars 1953 à Moscou, le même jour que Staline.
On trouvera la liste complète des œuvres de Prokofiev sur Wikipedia
Aram
Khatchatourian (1903-1978)
Aram Khatchatourian est
sans doute le musicien soviétique le plus célèbre à l'étranger après Chostakovitch.
Originaire de Géorgie, sa musique repose essentiellement sur le folklore caucasien
qui a bercé son enfance.
Aram Khatchatourian est né le 6 juin
1903 à Tbilisi (Géorgie).
Entre 1912 et 1921, il étudie le
piano dans un pensionnat, puis il entre en 1921, à l’institut Gnessine (académie
russe de musique) où il apprend le violoncelle et en 1925, suit les cours de
composition de Mikhail Gnessine.
En 1929, il entre au conservatoire de
Moscou qu’il fréquente jusqu’en 1934.
En 1941, il reçoit le prix Staline pour son concerto
pour violon composé en 1940, dédié à David Oïstrakh, œuvre qui lui assure la
célébrité à l’étranger. Cette même année, il compose pour la scène « Mascarade »
qu’il adaptera en 1944 sous forme de suite orchestrale en 5 mouvements, dont
la célèbre
Il s'impose peu à peu comme l'un des
compositeurs « officiels » de l'Union soviétique.
En 1943, il adhère au Parti communiste
dont on retrouve l’esprit dans son ballet de 1942, « Gayaneh », dont
l’intrigue se situe dans une ferme collective. Mais cela ne l’empêche pas, en
1948, d’être condamné avec Miaskovsky, Prokofiev et Chostakovitch, pour « formalisme »
et « tendances modernistes ».
La danse du sabre de « Gayaneh »
L’adagio de « Spartacus »
En 1954 il compose le célèbre ballet « Spartacus »
qui, dès les années 1960, lui apportera la notoriété mondiale.
Composé en 1963, son très virtuose Concerto-rhapsodie
pour violoncelle est dédié à Mstislav Rostropovitch.
Reinhold Glière, né à Kiev, en
Ukraine, le 30 décembre 1874, a joué un rôle prépondérant dans le
développement de la musique soviétique.
En 1894, il entre au Conservatoire de
Moscou.
En 1900, il a pour élèves Nikolaï Miaskovsky
et Serge Prokofiev.
À partir de 1920, il enseigne la
composition au conservatoire de Moscou pendant vingt ans, où il a pour élèves
Aram Khatchatourian et Alexandre Mossolov.
Glière compose 3 symphonies dont la
plus remarquable est la 3e
symphonie, sorte de poème symphonique en 4 mouvements, des ballets
qui représenteront le standard du ballet soviétique, ainsi que quatre concertos,
dont la forme et l’esthétique sont typiques du concerto soviétique : un Concerto
pour harpe (1938), un Concerto
pour soprano colorature (1943), un Concerto
pour violoncelle (1947) commandé par l’alors jeune Mstislav Rostropovitch,
et un Concerto
pour cor (1952).
Il a aussi composé des opéras et de la
musique de chambre.
Glière est mort à Moscou le 23 juin
1956.
On trouvera une biographie et la liste
de ses œuvres sur Wikipédia.
Nikolaï Miaskovsky (1881-1950)
Nikolaï Miaskovsky
est né le 20 avril 1881 en Pologne, et mort le 8 août 1950 à Moscou.
A partir de 1906, il étudie au
Conservatoire de Saint-Pétersbourg avec Liadov, Glazounov et Rimski-Korsakov,
dans la classe duquel il se lie d’amitié avec Prokofiev.
Professeur au conservatoire de Moscou
de 1921 à sa mort, il a parmi ses élèves, Dimitri Kabalevski, Alexandre
Mossolov, Aram Khatchatourian.
Parmi ses principales œuvres, on
compte 27
symphonies et un Concerto
pour violoncelle, son œuvre la plus jouée. Tout comme ses amis
Chostakovitch et Prokofiev, il a fait l’objet, en 1948, de condamnations par le
ministère de la culture soviétique pour sa musique considérée comme « formaliste
et antipopulaire », mais refusera toujours de faire son autocritique,
publiquement ou par écrit.
On trouvera une biographie et le
catalogue des œuvres de Miaskovsky ici.
Alexandre Mossolov (1900-1973)
Alexandre Mossolov est né le 11 août
1900 à Kiev et mort le 11 juillet 1973 à Moscou.
Il étudie la musique au conservatoire
de Moscou où il est élève de Reinhold Glière et de Nikolaï Miaskovsky.
Il est surtout célèbre pour sa pièce
constructiviste « Les
Fonderies d'acier » (1926), pour orchestre symphonique, qui devient un
symbole de l’industrialisation soviétique, mais il a également composé des
opéras, des symphonies, des œuvres de musique vocale et de chambre.
En 1936, accusé de formalisme, il est
exclu de l'Union des compositeurs soviétiques.
Dimitri Kabalevski est né le 30
décembre 1904 à Saint-Pétersbourg et mort le 17 février 1987 à Moscou.
Il entre en 1925 au conservatoire de
Moscou où il étudie la composition avec Miaskovsky, et où il enseigne
lui-même à partir de 1932.
Bien intégré dans le système, il
respecte les directives officielles du réalisme socialiste en particulier dans
ses 4 concertos pour piano (dont le
3e est le plus joué), son concerto pour violon et ses deux
concertos pour violoncelle.
Son chef-d'œuvre est l'opéra « Colas
Breugnon » (1938) dont l’ouverture
est souvent jouée. Ses autres œuvres connues sont la suite d’orchestre « Les
comédiens » (1940), l’opéra « La famille Taras » (1950),
l’opérette « Le Printemps chante » (1957) et le « Requiem pour
les victimes du nazisme » (1963).
On trouvera une biographie et une liste des œuvres de Kabalevski
sur Wikipédia.
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Après la mort de Staline, en 1953, une
nouvelle génération de compositeurs russes peut s’exprimer plus librement. Nous
aurons l’occasion de les revoir dans le cadre de la musique contemporaine. En
voici les principaux :
A la fin des années 1960, il commence
à mêler des éléments de différentes provenances à sa musique. Il se présente alors
comme le principal initiateur du « polystylisme », courant musical
qui consiste à utiliser dans une même œuvre, des références de style
multiples.
Edison Denisov est né le 6 avril 1929
à Tomsk en Sibérie, et est mort le 24 novembre 1996 à Paris.
Après avoir assimilé les courants
sériel et aléatoire, Denisov s’est forgé un langage personnel dans lequel il
privilégie la voix et les timbres raffinés, comme on peut en juger dans « Le
Soleil des Incas » (1964) ou sa « Symphonie
de chambre » (1982).
Il est apprécié par Boulez et
Dutilleux qui l’aident, en 1977, à obtenir son premier visa pour la France. Sa grande
admiration pour Boris Vian lui fait écrire son opéra « L’Ecume des jours »
en 1981.
Son attirance pour le religieux se
traduit dans son « Requiem »
de 1980.
Sofia
Goubaïdoulina est née le 24 octobre 1931 à Tchistopol en URSS.
Elle est l'auteur d'une centaine
d'œuvres couvrant tous les genres, y compris la musique électronique. Sa
musique est influencée par la mystique chrétienne et la philosophie orientale.
De 1954 à 1959, elle est assistante de Dimitri Chostakovitch.
En 1969 et 1970, elle fonde un studio
expérimental de musique électronique
Après l’édition de ses premières
œuvres, « Chaconne »
pour piano (1962), « Allegro
Rustico » pour flûte et piano (1963), et sa Sonate
pour piano de 1965, elle n’est plus jamais programmée (sauf en Europe
occidentale), ni éditée dans son pays, son œuvre n’étant pas agréée par la
puissante Union des Compositeurs Soviétiques.
C’est la musique de film qui lui assure
alors un minimum de revenus. Elle devra ainsi vivre difficilement jusqu’à la
reconnaissance internationale, acquise dans les années 1980, en particulier
avec son concerto pour violon Offertorium.
À partir de 1990, les commandes se
multiplient et ses œuvres sont enregistrées et programmées dans tous les
festivals.
Depuis 1992, elle est installée près de
Hambourg en Allemagne tout en gardant sa citoyenneté russe.
Retrouvez Sofia Goubaïdoulina dans le chapitre consacré au post-modernisme.
La popularité d’Arvo Pärt est
exceptionnelle. Il a enregistré à ce jour, plus de disques qu’aucun autre
compositeur vivant.
A partir de 1976, après une période
dodécaphoniste, Arvo Pärt privilégie dans sa musique, contemplation,
transcendance et mysticisme que l’on retrouve dans
« Tabula Rasa » (1977),
« Fratres » (1977-2008),
« Spiegel im Spiegel » (1978-2011),
et
« Magnificat » (1989).
Pour en savoir plus sur Arvo Pärt, rendez-vous dans le chapitre consacré au minimalisme mystique.
Son style musical et sa technique de
composition sont typiquement représentatifs de l'école de Leningrad. Il a été
très influencé par son professeur Dimitri Chostakovitch.
Il s’est intéressé au dodécaphonisme et
à la musique aléatoire, mais est cependant plus resté attaché aux traditions de
son pays.
Retrouvez Boris Tichtchenko dans le chapitre consacré au post-modernisme.
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Citons également les
compositeurs :
Vissarion Chebaline (1902-1963),
élève de Miaskovsky, a donné en 1955 une « Mégère apprivoisée »
(opéra). On trouvera sa biographie et la liste de ses œuvres sur Wikipédia.
Tikhon Khrennikov
(1913-2007) a été nommé par Andreï Jdanov en 1948, au poste de secrétaire
général de l'Union des compositeurs soviétiques, un poste qu'il va conserver
jusqu'à la disparition de l'URSS en 1991. Il a composé 3
symphonies, des concertos pour piano,
pour violon,
pour violoncelle,
10 opéras, ballets et opérettes. On trouvera une biographie et la liste de ses
œuvres sur Wikipédia.
Gueorgui Sviridov
(1915-1998) a écrit des musiques pour chœur et orchestre dont « la
Tempête de neige », des cantates et des oratorios, et de la musique de
film dont « Temps à
venir », une Rumba tonitruante. On trouvera une biographie sur Wikipédia.
Gara Garayev (1918-1982), compositeur
soviétique d’Azerbaïdjan, a composé dans tous les genres. Il a créé près de 110
pièces, dont des ballets (« Don
Quichotte », « Sept
belles », « Le
chemin du tonnerre »), des opéras, des symphonies
et de la musique de chambre, des pièces pour piano seul (« 24
préludes »), des cantates, des chants et des marches.
Mieczysław Weinberg
(1919-1996). Son œuvre compte plus de 500 compositions dont 154 répertoriées
avec numéro d'opus, parmi lesquelles 22
symphonies, 7 opéras dont « Le
passager », un Requiem
et des musiques de film. On
trouvera une biographie et la liste de ses œuvres sur Wikipédia.
Galina Oustvolskaïa (1919-2006) a été surnommée « la dame au marteau » et est connue pour ses liens avec Dmitri Chostakovitch.
Sa musique présente plusieurs caractéristiques distinctives, notamment une dynamique extrême, une instrumentation inhabituelle et une répétition brutale et implacable.
On trouvera une biographie et la liste de ses œuvres sur Ressources-IRCAM.
Revol Bounine (1924-1976) auteur
de 10
symphonies et de musique de chambre. On trouvera une biographie et la liste
de ses œuvres sur Wikipédia.
Mikhail Nosyrev (1924-1981) est
sans doute le compositeur russe le moins connu, même en Russie. Enfermé pendant
10 ans dans un camp sibérien, puis exilé dans la ville de Syktyvkar, il dirige
le théâtre d'opéra et de ballet de Voronej de 1958 à la fin de sa vie.
En 1967, il est membre de l'Union des
compositeurs soviétiques grâce aux recommandations de Dmitri Chostakovitch, mais n'est réhabilité que sept ans après sa mort.
Il a composé quatre
symphonies, trois concertos (pour violon, piano,
violoncelle), quatre quatuors à cordes, les ballets « The Unforgettable », «
The River Don Cossacks », « Song
of Triumphant Love » (d'après Tourgueniev), et environ 100 pièces de
musique de chambre.
On trouvera une biographie et la liste
de ses œuvres sur Wikipédia.
Andrey Eshpai (1925-2015) auteur
de 9
symphonies, de concertos
pour divers instruments et de comédies musicales. On trouvera la liste de ses
œuvres sur Wikipedia.
Les ballets
russes
Stravinsky, Diaghilev et Lifar
Les Ballets russes
créés en 1909 par le mécène russe Serge de Diaghilev (1872-1929), occuperont
le devant de la scène pendant 20 ans, jusqu’à la mort de son fondateur en
1929.
Accordant une
importance égale à la chorégraphie, à la musique et au décor, Diaghilev
engage les meilleurs éléments du Théâtre Marinski et associe pour ses
spectacles les meilleurs artistes de son temps, dont :
La première
représentation des Ballets russes a lieu le 19 mai 1909 au théâtre du Châtelet
avec au programme, les « Danses
Polovtsiennes » tirées du « Prince Igor » de
Borodine. Dès lors, la compagnie va parcourir l’Europe ou le continent
américain, chaque année jusqu’en 1929.
« L'après-midi d'un faune » chorégraphié par Nijinski.
En 1912, Diaghilev
coupe les ponts avec le ballet impérial, et les Ballets Russes deviennent une
troupe indépendante.
Les Ballets russes, du
fait de leur innovation et de leur nouvelle conception du ballet pas toujours
comprises du public, suscitent plusieurs scandales.
C’est le cas de deux
ballets de Nijinski, « L’après-midi d’un faune » de Debussy en
1912, et « Le sacre du Printemps » de Stravinsky en 1913.
Un nouveau scandale a
lieu en 1917, avec « Parade » d’Erik Satie, chorégraphié par Massine,
sur un argument de Cocteau avec des décors et costumes de Picasso.
Après la révolution de
1917, détachés de leur pays d'origine, ils tournent dans l'ensemble des grandes
villes d'Europe occidentale et à New York.
Nijinski dans « L’après-midi d’un
faune »
Marie Laurencin : Décor pour « Les
biches »
Nijinska dans « Les biches »
Soixante-huit ballets ont
été montés par la compagnie, dont voici les plus marquants :